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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

La commission proposait un président responsable, élu directement par le suffrage universel. C’était l’opinion presque unanime des bureaux et d’un grand nombre de représentants, de M. de Cormenin entre autres, qui croyaient sage, même dans l’intérêt de l’institution républicaine, de ne pas rompre trop brusquement avec les traditions du pays, et qui, à défaut d’un roi, souhaitaient un président le plus roi possible. D’autres, au contraire, animés d’un sentiment plus démocratique et se défiant du gouvernement personnel, voulaient établir nettement la subordination du pouvoir exécutif ; ils demandaient que le président fût nommé par l’Assemblée. Enfin, un petit nombre de démocrates, en opposition complète avec l’opinion dominante, et qui parurent à ce moment emportés par l’esprit révolutionnaire au delà de toute raison politique, ne voulaient pas de président du tout et proposaient que l’Assemblée continuât à déléguer, comme elle le faisait actuellement, le pouvoir exécutif à un conseil de ministres, qui serait, ainsi que son président, toujours révocable.

Un représentant de la montagne, M. Félix Pyat, parla le premier en faveur de cette opinion. Il peignit avec force à l’Assemblée le danger pour la liberté de créer dans le pays un pouvoir égal, à son origine, au pouvoir de l’Assemblée, et d’établir ainsi une lutte qui ne pouvait manquer de se terminer à l’avantage du pouvoir personnel.

M. de Tocqueville, au nom de la commission, entreprit de réfuter les arguments de M. Pyat et de prouver que le président, dont le pouvoir serait suffisamment limité par la constitution, n’aurait aucun moyen d’usurpation. Mais ce qui fit plus que ces raisonnements assez faibles le succès de M. de Tocqueville, c’est qu’il se montra tout à coup plein d’enthousiasme pour le suffrage universel. Par une étrange inconséquence, M. de Tocqueville, qui, dans la discussion sur le droit au travail, avait dit le premier devant l’Assemblée qu’il ne fallait pas que la révolution fût