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HISTOIRE

avoir écarté l’exemple de l’Amérique et de l’Angleterre, comme inapplicable à la société française dont le caractère et les mœurs exigeaient une organisation politique qui leur fût propre, M. Marrast insista sur les inconvénients d’une dualité qui ne pouvait manquer d’enfanter la lutte entre les pouvoirs législatifs. Il fit valoir la nécessité de se prémunir contre la tendance toujours usurpatrice du pouvoir exécutif, en lui offrant un pouvoir législatif indivisible et concentré. Il rappela un exemple historique fameux : « Quand on a pour soi les Anciens, dit M. Marrast, en faisant allusion à un événement bien récent encore, on fait sauter les Cinq-Cents par les fenêtres. »

Aux arguments politiques de M. Marrast en faveur d’une assemblée unique, M. Dupin vint ajouter des raisons tirées de la nécessité d’opposer au communisme et à l’anarchie qui menaçaient la société la plus grande concentration possible du pouvoir. M. de Lamartine parla dans le même sens. Tout en déclarant qu’il préférait théoriquement le système des deux Chambres et en lui réservant l’avenir, M. de Lamartine, en présence des difficultés actuelles, reconnut l’avantage d’un pouvoir concentré, et l’Assemblée, qui s’était déjà prononcée dans ses bureaux avant la discussion publique, adopta à une immense majorité « l’unité du pouvoir législatif et sa délégation à une assemblée unique. »

La question du suffrage direct et universel ne fut pas discutée en principe. Tous les partis sentaient également qu’il n’y avait plus d’autre fondement possible à l’autorité politique que la souveraineté du peuple. Du moment que l’on décidait l’unité de la représentation, il aurait été illogique de scinder le corps électoral et de créer, par les deux degrés d’élection, la dualité à la base d’une institution dont on voulait faire l’instrument de l’unité démocratique. Mais lorsqu’on en vint à la constitution du pouvoir exécutif, trois opinions tranchées se prononcèrent et passionnèrent le débat.