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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

timent chrétien, par les anciens membres du gouvernement provisoire, MM. de Lamartine, Ledru-Rollin, Crémieux, qui obéissaient évidemment, en le défendant, plutôt à une nécessité de situation qu’à une conviction sincère ; vigoureusement attaqué par MM. Dufaure, Goudchaux, Duvergier de Hauranne, Thiers ; compromis par un propos inconsidéré de M. Proudhon[1], le droit au travail fut remplacé dans la constitution par le droit à l’assistance, qui n’était qu’une formule un peu rajeunie de l’aumône, une sorte de constitution légale du paupérisme[2].

Convaincu qu’il venait ainsi de réduire à rien les dernières traces de la révolution sociale, le parti dynastique rassembla toutes ses forces pour tenter une vigoureuse attaque contre la révolution politique, en donnant à la République la forme la plus voisine de la monarchie. MM. Thiers, Duvergier de Hauranne, Odilon Barrot, soutinrent le principe de la division de la représentation nationale en deux Chambres. À l’appui de leur opinion, ils invoquèrent l’exemple de l’Angleterre et surtout celui des États-Unis ; ils représentèrent avec beaucoup de vivacité le danger des entraînements d’une assemblée unique, d’un pouvoir non balancé et tendant nécessairement au despotisme ; mais l’Assemblée ne se montra sensible à aucune de ces considérations. Elle était alors dominée par un sentiment très-opposé à la pondération des pouvoirs et se préoccupait assez peu des dangers que pouvait courir la liberté. Créer un pouvoir fort, c’était à ses yeux tout le secret de constituer l’État. M. Marrast, au nom de la majorité républicaine, soutint avec talent le principe de la représentation unique. Après

  1. M. Proudhon avait dit dans le comité du travail : « Donnez-moi le droit au travail et je vous abandonne le droit de propriété. »
  2. Voici quelle fut la rédaction adoptée par l’Assemblée : « La République doit par une assistance fraternelle assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail, dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler. »