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HISTOIRE

Nous allons maintenant assister jour par jour à l’évanouissement de ces illusions gigantesques ; mais, pour être équitable, nous constaterons en même temps les résultats excellents qui, en dehors du rêve inapplicable, furent obtenus par les conférences du Luxembourg, et auxquels on ne saurait reprocher que leur disproportion avec les espérances infinies dont M. Louis Blanc avait bercé l’imagination populaire. Le bien que firent les conférences du Luxembourg, c’est-à-dire les nombreuses conciliations entre ouvriers et patrons dans ce Paris incandescent où les moindres contestations pouvaient à chaque minute allumer la guerre civile, et l’impulsion donnée aux associations ouvrières qui formeront, avec le temps, l’organisation naturelle du travail, se pouvaient obtenir avec moins d’appareil et de bruit. M. Louis Blanc, qui l’a compris sans doute, a rejeté sur le mauvais vouloir de ses collègues dans le gouvernement cette disproportion humiliante entre l’effet et la promesse. Il a dit qu’en lui refusant un budget et un ministère, on l’avait réduit à l’impuissance : c’était étrangement s’abuser. Un budget ne peut servir qu’à l’application de principes acceptés par la conscience publique, et les siens, qu’une grande partie de la nation ne connaissait seulement pas, n’étaient pas même adoptés encore par le prolétariat, dont ils caressaient cependant tous les instincts. Le peuple aimait la personne de M. Louis Blanc et le sentiment qui lui inspirait ses théories. Lui, toujours prompt à l’illusion, en conclut que ses idées étaient populaires. Ce fut une erreur dans laquelle un homme d’État ne serait point tombé et qui l’entraîna en mille écarts de jugement. Nous ne tarderons pas à nous en convaincre en reprenant le fil des événements où nous l’avons interrompu.

Nous avons laissé les ouvriers en séance dans la salle des délibérations de la pairie. M. Louis Blanc leur expose le but

    rait même point porté dans cette réunion sur la question des associations libres ou forcées. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 6.