Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.
492
HISTOIRE

de M. Louis Blanc. Sa théorie de l’organisation du travail, sur laquelle il revint longuement, avec une obstination honorable mais qui n’avait rien d’habile, refroidit l’auditoire que M. Ledru-Rollin avait vivement ému. La nuit, d’ailleurs s’avançait et amenait avec la lassitude le désir de terminer la discussion. Les pâles clartés de l’aube qui pénétraient par les fenêtres et se mêlaient à la lumière mourante des lustres donnaient à l’aspect de la salle quelque chose de lugubre. Les physionomies devenaient de plus en plus mornes. Dans les tribunes qui s’étaient d’abord montrées sympathiques aux prévenus, le sommeil s’emparait des auditeurs les plus attentifs. En vain le discours de M. Caussidière vint-il remuer de nouveau les esprits et les intéresser par sa verve pittoresque ; en vain le parti révolutionaire, par l’organe de MM. Flocon, Bac, Lagrange, essaya-t-il de lutter encore et d’obtenir du moins de l’Assemblée qu’elle ne votât pas l’urgence ; au moment où l’on pouvait croire qu’il allait obtenir ce faible succès, le président du conseil parut à la tribune. Un profond silence s’établit. La parole du chef du pouvoir exécutif allait mettre fin aux incertitudes ; son opinion allait tout trancher ; on ne la connaissait pas, on la croyait favorable aux prévenus. Dans une des séances précédentes, le jour de la lecture du rapport, on avait vu le général Cavaignac tendre la main à M. Ledru-Rollin, au moment où celui-ci descendait de la tribune après avoir réfuté avec éclat les principales accusations du rapport. Les personnes bien informées assuraient que le chef du pouvoir exécutif, déjà très-irrité des exigences de la réaction, avait résolu de rompre avec elle plutôt que de lui faire une concession nouvelle. La surprise fut donc extrême lorsqu’on entendit le général Cavaignac demander, au nom de la tranquillité du pays, que l’Assemblée dont la conviction devait être formée, ne prolongeât pas la discussion et n’ajournât pas son vote. Mais, bien que cette surprise fût mêlée d’improbation, la majorité se rangea à l’opinion du gouvernement. Un seul représentant,