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HISTOIRE

tenait au secret, pendant onze jours, le rédacteur en chef de la Presse, dont les imprudentes publications perdraient, disait-il, la République, la nation et la société tout entière[1] ; il se laissait arracher enfin, quoique avec beaucoup de répugnance, la déclaration que le gouvernement ne s’opposerait pas à la mise en accusation de MM. Louis Blanc et Caussidière, désignés par le rapport de la commission d’enquête comme coupables de complicité dans l’attentat du 15 mai et dans l’insurrection de juin[2].

La commission d’enquête, présidée par M. Odilon Barrot et dans laquelle les républicains étaient en très-petite minorité, après avoir siégé sans désemparer pendant près de six semaines et entendu plus de deux cents témoins, avait nommé pour son rapporteur M. Quentin-Bauchart, l’un de ses membres les plus hostiles à la République. Le rapport qui, avec les pièces justificatives, ne formait pas moins de trois volumes in-4o, était un acte d’accusation en règle contre la révolution de Février. Remontant non-seulement au 15 mai, mais au 16 avril et au 17 mars, incriminant les conférences du Luxembourg, les bulletins et les circulaires du ministre de l’intérieur et du ministre de l’instruction publique, à peu près tous les actes enfin d’un gouvernement qui, d’après la sentence de l’Assemblée, avait

  1. Ce sont les propres expressions du général Cavaignac dans une lettre en réponse à M. de Girardin.
  2. Je crois devoir rapporter ici le témoignage de M. de Lamartine, non suspect quand il s’agit de rendre justice aux socialistes. « Ceux-là même, parmi les membres du gouvernement les plus démocrates, que l’ignorance publique a accusés de connivence perfide avec l’insurrection étaient, au fond, les plus impatients et les plus actifs dans la préparation des mesures militaires destinées à écraser cette sédition. Les socialistes, chefs et disciples, furent des citoyens loyaux, pacifiques, intermédiaires, messagers de paix et de réconciliation sur tous les points, pendant toute la mêlée, et, s’ils ont démérité du bon sens avant, pendant et après la République, ils n’ont pas démérité un seul jour de la patrie et de l’humanité. La justice n’est pas un hommage, mais elle est un devoir. Les socialistes furent innocents de ces fatales journées. » (Cours familier de littérature. — Entretien, LXXIII, p. 24 et 30.)