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HISTOIRE

par mesure de sûreté générale et de salut public. Il fallait que la loi, ajouta-t-il, se tût un instant et que les hommes qui avaient fait une guerre à mort à la société fussent déportés. Toutefois, distinguant entre les instigateurs de la guerre sociale et ceux qui n’en avaient été que les soldats, il demandait que l’instruction commencée contre les premiers suivît son cours.

Quelques expressions de ce rapport appelèrent le chef du pouvoir exécutif à la tribune. Ces expressions tendaient, dit le général Cavaignac, à faire croire qu’en attribuant à la juridiction militaire la connaissance de l’insurrection, il avait voulu se montrer plus sévère que la nation et que l’Assemblée. Il protestait avec vivacité contre une telle imputation. À sa demande expresse, le mot transportation qui n’impliquait pas la prison dans l’exil fut substitué au mot déportation. Allant plus loin encore, il s’engagea dans le conseil des ministres à ne pas faire exécuter le décret dans toute sa rigueur et à ne s’en servir que pour éloigner de Paris les prisonniers, dans un moment où il était dangereux pour eux-mêmes de les y garder. Il promit enfin de donner l’amnistie aussitôt que les terreurs de la bourgeoisie paraîtraient calmées.

En parlant et en agissant ainsi, le général Cavaignac était d’une sincérité parfaite. Étranger à la peur qu’avaient inspirée les combattants, il l’était également au ressentiment contre les vaincus. Il n’ignorait pas non plus que, si parmi ces prisonniers que l’on allait frapper en masse, condamner sans jugement et souvent même sans constater leur identité[1], il se trouvait des hommes pervers, le plus grand nombre étaient des ouvriers honnêtes, attachés à la République[2], et qu’il serait aussi impolitique qu’injuste et im-

  1. Il y eut un assez grand nombre d’individus transportés par erreur, que l’on relâcha après qu’ils eurent passé plusieurs mois sur les pontons.
  2. Dans son discours du 3 juillet, le général Cavaignac a dit des ouvriers des ateliers nationaux : « La plupart, il faut l’avouer, ne de-