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HISTOIRE

présidence de l’Assemblée. M, Thiers et ses amis prétendaient encore, à ce moment, accepter sincèrement la République ; ils se faisaient appeler républicains honnêtes et modérés, par opposition à ceux qu’ils désignaient sous le nom de républicains rouges, leur tactique étant de se mettre encore pendant quelque temps à couvert derrière la majorité républicaine et de la pousser à des mesures antidémocratiques dont on profiterait plus tard.

L’épouvante laissée dans les imaginations par l’insurrection servait, d’ailleurs, et surabondamment, ces projets et cette tactique. Malgré la facilité avec laquelle s’opéraient le désarmement de la garde nationale et la fermeture des clubs ; malgré les bonnes nouvelles que l’on recevait des départements, où tout restait tranquille[1] ; malgré l’occupation de Paris par une armée de 80,000 hommes, on ne se rassurait pas. L’Assemblée tout entière était possédée d’un esprit de réaction qui l’emportait hors de toute mesure. Non contente d’avoir, dès le 26, pendant que l’on se battait encore au faubourg Saint-Antoine, voté la fermeture des clubs reconnus dangereux, le licenciement et le désarmement de trois légions, la formation d’une commission d’enquête chargée de rechercher les causes de l’insurrection en remontant jusqu’à l’attentat du 15 mai, elle avait fait afficher, le 28, une proclamation au peuple, dans laquelle elle traitait les insurgés vaincus de forcenés armés pour le massacre et le pillage ; de nouveaux barbares, sous les coups desquels la famille, la religion, la liberté, la patrie, la civilisation tout entière était menacée de périr. Elle fermait maintenant les clubs et rétablissait un cautionnement de 24,000 francs sur les journaux[2]. Elle votait enfin à la

  1. Les ateliers nationaux de Marseille s’étaient insurgés, mais avant ceux de Paris et sans aucune connivence avec eux. L’insurrection avait été promptement réprimée.
  2. En faisant paraître, le 11 juillet, un dernier numéro, bordé de noir, du journal le Peuple constituant, M. de Lamennais flétrissait ainsi le vote de l’Assemblée : « Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or,