Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/489

Cette page a été validée par deux contributeurs.
487
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

l’autre pendant l’insurrection nécessitait, d’ailleurs, leur entrée aux affaires. On acceptait même sans répugnance M. Goudchaux comme ministre des finances, M. Bastide comme ministre des affaires étrangères, M. Bethmont comme ministre des travaux publics ; mais le nom de M. Recurt et surtout celui de M. Carnot, qui complétaient la liste ministérielle, soulevèrent l’opposition la plus vive.

M. Recurt était un républicain de la veille, accusé d’incliner aux mesures de clémence envers les insurgés. Quant à M. Carnot, le parti clérical, celui qui suivait la direction de M. de Falloux plutôt que celle de M. Thiers et qui n’avait abandonné qu’à grand’peine la prétention de porter son chef au ministère de l’instruction publique, ne pouvait supporter sa rentrée aux affaires. Ce parti haïssait particulièrement en lui le fondateur de l’école d’administration. Mais, comme il n’osait encore lever entièrement le masque et confesser sa répulsion pour une institution essentiellement démocratique qui, depuis 1789, était le vœu constant de l’opinion, il rappela les circulaires, le Manuel républicain de l’homme et du citoyen. Certain de réveiller sur ce point beaucoup de susceptibilités, même dans la majorité de l’Assemblée, il ouvrit l’attaque dans la séance du 5 juillet, à l’occasion d’un projet de décret sur l’amélioration de la condition des instituteurs primaires, et força M. Carnot à donner sa démission.

Ce triomphe de l’opinion contre-révolutionnaire fut tempéré encore par la prudence de M. Thiers, qui, satisfait de voir que l’Assemblée pourrait être entraînée déjà à se séparer du général Cavaignac sur des questions de personnes, ne souffrit pas qu’on poussât le succès à l’extrême et fit accepter comme successeur de M. Carnot M. Vaulabelle, qui n’était pas moins désagréable au parti clérical, mais qui avait l’avantage de ne s’être pas compromis encore dans l’action politique.

Ce fut pour le même motif que la réunion de la rue de Poitiers ne combattit pas la candidature de M. Marie à la