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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gardes nationaux, les gardes mobiles, les insurgés, qui gisaient là, dans les mêmes salles, dans les mêmes rangs, s’insultaient, se menaçaient d’un lit à l’autre. Ceux-ci gardent à leur chevet le drapeau qu’ils ont enlevé sur la barricade ; ceux-là disent tout haut qu’ils ne tarderont pas à prendre leur revanche ; quelques-uns trouvent dans le délire de la fièvre la force de se lever et se jettent avec rage sur le malheureux dont le lit est le plus voisin. D’affreux accidents nerveux, des folies furieuses se déclarent[1]. On est obligé de mettre la camisole de force à plusieurs blessés ; la sentinelle présente la baïonnette en allant et en venant dans les couloirs.

La mortalité dépasse toute proportion. Dans le seul hôpital Saint-Louis, elle est d’un blessé sur quinze pour les militaires ; d’un sur six pour les insurgés[2].

Pitié 0098
Saint-Antoine 0060
Lourcine 0011
Bicêtre 0009
Cochin 0011
Incurables 0085
Hôtel-Dieu (annexe) 0061
Hôpital Necker 0011
Hôpital du Midi 0004
Tuileries 0078
Ambulances connues 0364
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Total général
2,529
  1. On a constaté que la plupart des folies furent, chez les insurgés, des folies d’orgueil. Presque tous se croyaient de grands hommes et des réformateurs. Ils dictaient des constitutions, abolissaient l’esclavage et la misère. Chez les femmes, c’était l’inquiétude pour leurs maris ou leurs enfants qui produisait généralement l’aliénation mentale. Malgré les accidents nombreux qui suivirent l’insurrection, le chiffre total des aliénations mentales, en 1848, ne dépassa que de très-peu le chiffre ordinaire. Les révolutions qui multiplient certaines causes d’aliénations en font disparaître d’autres. Les événements de la vie privée perdent de l’importance à mesure que ceux de la vie publique en prennent davantage.
  2. Voir les journaux de médecine : la Gazette des hôpitaux, l’Union médicale, etc.