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HISTOIRE

glissant hors de la chambre, il va dénoncer à la foule ce qui se passe. Aussitôt quelques hommes hors d’eux-mêmes enfoncent les portes, se ruent sur les gardes nationaux et demandent leur proie ; ceux-ci sont forcés de fuir. Alors le capitaine Mangin, s’avançant vers ces furieux : « Que nous voulez-vous ? dit-il d’une voix ferme et hautaine, nous fusiller ? Voici nos poitrines ; mais hâtez-vous ! » Et, serrant une dernière fois la main de son général, il s’apprête à mourir.

À ce moment, un cri d’effroi retentit du côté de la barrière, des femmes échevelées se précipitent dans la cour en criant : « Trahison ! trahison ! Voici la garde mobile ! »

Six coups de fusil partent à la fois ; le général Bréa est atteint à la poitrine et chancelle ; Mangin pousse un cri perçant et s’affaisse en portant d’un mouvement convulsif les deux mains à sa tête, où une balle vient de le frapper. Les assassins, qui ont tiré du dehors par la porte et par les fenêtres, entrent dans la chambre et se jettent sur leurs victimes. L’un d’eux mutile le beau visage de Mangin et le rend méconnaissable ; un autre perce de sa baïonnette le corps inanimé de Bréa ; un troisième lui fracasse le crâne avec la crosse de son fusil ; un quatrième, croyant, comme on l’a dit, que c’est Cavaignac, le palpe pour s’assurer s’il est vrai qu’il porte sous ses vêtements une cuirasse.

Desmarets, caché sous un lit de camp, assiste, immobile ; à ces atrocités ; Gobert, qui s’est réfugié sous un auvent, est découvert ; les fusils sont braqués sur lui. Mais, à ce moment, la porte s’ouvre ; la foule entre dans la chambre. À la vue de ces cadavres mutilés, de ces planches inondées de sang, elle recule, saisie d’épouvante. Les assassins ont peur du mouvement qui va éclater et s’enfuient. Presque au même instant, il était six heures de l’après-midi, les troupes du général Bréa franchissaient la barrière.

Le lieutenant-colonel Thomas, qui avait pris le commandement de la colonne, était demeuré, comme on peut croire, dans la plus vive anxiété. Lorsqu’il reçut l’ordre de faire retirer la troupe, il comprit que le général n’était plus libre.