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HISTOIRE

avec lui un membre de l’Assemblée nationale et en faisant connaître au peuple le décret qui accorde trois millions aux pauvres, obtenir qu’on mette bas les armes.

Il s’avance par le boulevard extérieur, en longeant le mur d’enceinte. Dès qu’il aperçoit un groupe populaire, il s’arrête et parle aux ouvriers avec simplicité et douceur. C’est le jour de sa fête ; il l’a remarqué avec plaisir ; il en tire un bon augure pour le succès de sa tentative. En effet, il ne rencontre, pendant longtemps, d’autre obstacle sur sa route que des arbres coupés et jetés en travers sur la chaussée. Partout il se voit écouté favorablement ; sa confiance redouble. Il arrive ainsi, plein d’espoir, à la barrière dite de Fontainebleau ou d’Italie.

Là, on se trouve en face d’un pâté formé de quatre barricades. Deux d’entre elles ferment les deux côtés du boulevard intérieur et extérieur. La troisième barre l’entrée de la rue Mouffetard. La quatrième, la plus forte de toutes, couvre la barrière ; elle protège les insurgés réunis en nombre considérable sur les routes de Choisy et d’Italie, et qui occupent les bâtiments de l’octroi et le corps de garde.

La barrière est entièrement masquée par une masse énorme de pavés, dans laquelle on n’a ménagé qu’un étroit passage sur la droite. Un silence effrayant règne derrière cette barricade, au-dessus de laquelle on ne voit que des drapeaux. Beaucoup d’insurgés, accablés de fatigue, dorment la tête sur la pierre ; de temps en temps on surprend une tête qui s’élève au-dessus du rempart, comme pour observer le mouvement des troupes, et qui disparaît aussitôt. L’aspect de ce lieu a quelque chose de sinistre.

Le général Bréa ordonne à la troupe de faire halte et fait mettre les canons en batterie. Il se dispose encore à haranguer le peuple, comme il vient de le faire aux barrières d’Enfer, Saint-Jacques et de la Santé. Il espère un succès pareil. Sans hésitation, sans défiance, il s’avance vers la barrière, appelant à lui les hommes bien intentionnés qui veulent la paix. Plusieurs combattants se présentent ; il leur