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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tisfaite, puis il rentre dans les rangs et éclate en sanglots[1].

Cependant on emportait le général Damesme à l’hôpital du Val-de-Grâce. Un représentant du peuple, M. Valette, qui se trouvait non loin de là lorsqu’il fut frappé, s’approche respectueusement, tristement. Il sait que la blessure est mortelle. « Général, lui dit-il, c’est au nom de l’Assemblée nationale que je viens vous serrer la main. — Je vous remercie, répond Damesme en souriant avec une admirable expression de résignation, presque de joie ; n’est-ce pas, monsieur, vous ferez connaître à l’Assemblée que j’ai rempli mon devoir ? »

Arrivé au Val-de-Grâce, le blessé éprouve un tel épuisement qu’il s’endort. Pendant son sommeil, les chirurgiens examinent la plaie : l’os est brisé en plusieurs éclats ; l’inflammation commence ; le moindre retard dans l’opération peut en compromettre le succès. M. Baudens, chirurgien en chef, éveille le général : « Votre blessure est grave, lui dit-il ; il n’y a pas grand’chose à faire ; mon avis serait de vous séparer de cette jambe… — Vous croyez ? dit le général, sans trahir la moindre émotion ; allons, que votre volonté soit faite ! » Et presque aussitôt il se rendort.

Une seconde fois, quand les préparatifs de l’amputation sont terminés, on le réveille. Pendant l’opération, assez longue et très-douloureuse, il ne lui échappe pas une plainte. Après que l’amputation est faite : « Pourrai-je encore monter à cheval ? dit-il en regardant le chirurgien en chef avec quelque inquiétude ; et, sur sa réponse affirmative : « Eh bien ! alors, je vaux autant qu’auparavant… Vive la République ! »

Ainsi s’exhalaient de cette âme héroïque et douce, en

  1. Ce jeune homme, nommé Georges, se noya, moins d’un mois après l’insurrection, en nageant dans la Seine. Il avait été décoré, mais n’avait pas encore reçu la croix. Son bataillon, où il avait constamment donné l’exemple de la bravoure et de la discipline ; voulut faire les frais de ses funérailles.