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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

avec inquiétude le plan de Paris ; son commandement est incertain, sa mémoire le trompe ; il fait faire des marches et des contre-marches qui fatiguent la troupe ; on abandonne, par son ordre, des positions faciles à garder. Le vieux colonel Renaut, à la tête du 48e de ligne, reste tout le jour exposé au feu sans gagner de terrain ; un moment, les insurgés ne sont plus qu’à soixante pas de l’Hôtel de ville. Les soldats et la garde nationale, sentant l’absence d’une impulsion forte, se découragent ; plusieurs compagnies reculent devant le feu et se débandent. Enfin, M. Marrast croit devoir aller trouver le général Cavaignac pour lui demander de remettre le commandement en d’autres mains. Cavaignac hésite à faire un pareil outrage à l’un des plus brillants généraux de l’armée ; cependant, vers six heures, il envoie à l’Hôtel de Ville le colonel Charras à la tête d’une colonne de renfort, composée d’un bataillon de la garde nationale et de deux pièces de canon. Ce renfort, et surtout la nouvelle certaine que l’état de siège est proclamé, que tous les pouvoirs sont remis au général Cavaignac, raniment les esprits. On reprend confiance ; on marche vivement aux barricades de la rue Saint-Antoine ; on attaque avec le canon l’église Saint-Gervais. Vers huit heures, l’Hôtel de Ville est dégagé ; on respire ; on rentre à la nuit, plein d’espoir pour la journée du lendemain.

Dans le faubourg Poissonnière, où le général Lebreton a pris le commandement, la troupe qui avait poussé la veille jusque près des ateliers du mécanicien Gavé, a rétrogradé pour se concentrer autour de la prison Saint-Lazare. Tout est à recommencer. Les insurgés, pendant les quelques heures de répit qu’on leur a laissées, ont achevé de se fortifier. Ils ont crénelé et percé de meurtrières le mur d’octroi. La plupart des maisons sont à eux. Ils y ont pratiqué des communications au moyen desquelles ils se portent rapidement, à l’abri du feu, d’un point à un autre. Des hauteurs du clos Saint-Lazare, ils plongent sur toutes les