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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

mission de donner sa démission. MM. de Lamartine, Garnier-Pagès, Barthélemy Saint-Hilaire et Pagnerre, s’y refusent encore formellement. Ils disent que leur honneur est engagé, qu’il faut avant tout en finir avec l’insurrection dans la rue, puis qu’on verra ensuite à prendre des mesures politiques dans le conseil. Les partisans du général Cavaignac, voyant qu’il n’y a rien à obtenir de ce côté, décident d’agir directement par l’Assemblée.

Pendant ce temps, M. Senard et le général Cavaignac conféraient ensemble sur les conditions du pouvoir. Le général parlait en soldat. « Il ne connaissait pas la France, disait-il ; il ne connaissait pas l’opinion publique ; c’était aux hommes politiques à résoudre ce qui convenait au pays. Quant à lui, il était prêt à faire ce que l’on déciderait, à une condition toutefois, c’est qu’il resterait seul chargé du pouvoir exécutif et qu’il choisirait ses ministres là où il jugerait bon de les prendre. »

La réunion de la rue de Poitiers faisait quelques difficultés d’accepter cette dernière condition. M. Thiers n’ignorait pas que le général Cavaignac l’excluait positivement, lui et ses amis, de toute participation aux affaires ; mais le danger pressait. C’était beaucoup, d’ailleurs, de renverser, par les mains des républicains, la commission exécutive, qui était un dernier reste du gouvernement provisoire et de la révolution. M. Thiers croyait peu aux talents politiques du général Cavaignac ; l’antipathie que le général lui témoignait le faisait sourire ; et, par une sorte de générosité dédaigneuse que lui inspirait la certitude d’être bientôt, à la tête du parti dynastique, maître des affaires, il joignait ses efforts à ceux de MM. Senard et Marrast pour porter au pouvoir le général républicain.

Quant à la déclaration de l’état de siége, on sonda les bureaux avant d’en porter la proposition à l’Assemblée. Là, on rencontra une opposition sérieuse ; l’état de siége répugnait profondément aux républicains de l’école libérale ; un pouvoir tout militaire leur paraissait une énormité.