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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gie chrétienne. Toute son érudition, à lui, c’est Jeanne d’Arc sauvant la France. Il n’a pas lu, il repousserait avec indignation les satires de Rabelais, les contes de la Fontaine, le poëme ignominieux de Voltaire. Le prolétaire, qui voit partout la femme active, intelligente et sérieuse à ses côtés, réclame pour elle, en dépit des sarcasmes de la bourgeoisie, qu’il ne saurait comprendre, ce qu’il demande pour lui-même l’instruction, le travail bien tempéré, le loisir nécessaire à la vie morale, cette part dans les fonctions sociales qui relie dans une vie commune les existences isolées et fait des habitants d’un même pays les citoyens d’une même patrie[1]. Des tentatives avortées ne le rebutent pas ; il ne se laisse pas déconcerter par le persiflage ; ce qu’il croit juste ne peut jamais lui sembler risible. Aussi peut-on affirmer que tous les progrès de la démocratie en France amèneront des progrès correspondants dans la condition des femmes. Le jour où il sera donné au peuple de

  1. Une adresse remise le 3 mars au gouvernement provisoire s’exprime ainsi :
    « Citoyens,

    « Beaucoup de femmes sont dans une situation désespérée vous ne voudrez pas qu’elles continuent à être exposées à la misère ou au désordre. Les bonnes mœurs font la force des républiques, et ce sont les femmes qui font les mœurs. Que la nation honore par votre voix le travail des femmes ! Qu’elles prennent rang, par votre volonté, dans la réorganisation qui s’opère, et que le principe de l’association soit encouragé par vous pour les travaux qui sont de leur ressort.

    « Les femmes méritent d’avoir part à l’honneur et au bien-être que nos institutions vont amener pour le peuple c’est par elles que l’homme trouve le bonheur dans la famille ce sont elles qui lui donnent le principe de ses sentiments moraux. Elles sont depuis longtemps associées à toutes les gloires dans la littérature, dans les beaux-arts, dans l’industrie, comme elles sont associées à toutes les douleurs en la personne des admirables sœurs de charité.

    « Faites, citoyens, que la gloire des femmes illustres et méritantes qui nous ont précédées rejaillisse en ce moment sur les femmes du travail et du dévouement obscur, sur les mères, les filles, les sœurs de ce peuple pour lequel vous faites de si grandes choses.

    « Recevez, citoyens, etc. »