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HISTOIRE

Michel et une partie de la rue de la Harpe, entre dans la rue Saint-Jacques. Le colonel Guinard et le chef d’escadron Blaise, après avoir essuyé des pertes considérables, ont emporté, à coups de canon, la première barricade qui en ferme l’entrée. Le lieutenant-colonel Vernon et M. Edmond Adam sont un peu plus haut ; MM. Recurt et Bixio sont plus avancés encore. On se bat là avec acharnement. Guinard reçoit deux balles dans son shako ; Blaise est blessé. Pendant deux heures environ on s’obstine sous le feu continu des barricades et des fenêtres ; mais les munitions vont manquer ; les barricades se multiplient à mesure qu’on avance[1]. Plus de la moitié des soldats sont mis hors de combat. Trois fois, à la seule barricade du Petit-Pont, la troupe, saisie de panique, a refusé de marcher. La nuit tombe ; il n’est plus possible de songer à gagner la place du Panthéon ; le général Bedeau donne l’ordre de se replier sur l’Hôtel de Ville. On l’y ramène sur un brancard ; un coup de feu, parti de la rue des Noyers, vient de l’atteindre à la cuisse. À quelques pas de là, M. Bixio, qui marche en avant, sans armes, a reçu une balle en pleine poitrine. Le commandant Vernon est blessé au genou ; le chef de bataillon Masson a été frappé mortellement à la barricade du petit pont Saint-Michel, dès les premiers engagements de la journée. Tant de morts et de blessés, des pertes si disproportionnées avec les minces avantages qu’on a remportés, jettent une grande tristesse dans l’âme du général Bedeau. Le récit qu’il fait de la journée au général Cavaignac en est tout empreint. Sans songer à sa blessure, si grave pourtant que l’on craint pour ses jours, il ne s’occupe que de faire bien connaître au général en chef la situation des troupes qui lui ont été confiées. Mais il s’épuise en parlant ; Cavaignac le quitte pour lui laisser un peu de repos, après qu’ils sont convenus que le général Duvivier viendra prendre le commandement de l’Hôtel de

  1. On comptait, dans la rue Saint-Jacques, environ trente-huit barricades.