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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

lui enlevèrent bientôt toute espérance. « Général, lui dit en l’abordant d’un air hautain le chef de la députation, qui portait les épaulettes de capitaine de la garde nationale et qui, depuis le matin, commandait l’insurrection dans la Cité, je viens vous sommer d’obéir au peuple et à la garde nationale de Paris. Le peuple veut la reddition de l’Hôtel de Ville et la dissolution de l’Assemblée ; ce qu’il veut, il l’obtiendra de gré ou de force. L’armée ne tardera pas à se joindre à lui. Déjà, vous le voyez, la garde républicaine que vous avez envoyée contre nous a passé derrière nos barricades, le peuple… — Monsieur, interrompit le général avec indignation, je ne reconnais d’autre peuple que celui qui a nommé l’Assemblée constituante. Quant à l’armée, elle est fidèle à son devoir et vous le prouvera tout à l’heure en balayant vos barricades ! »

Un murmure prolongé accueillit ces paroles. Le général n’en tint pas compte ; il essaya encore, avec une patience admirable, de faire entendre la voix de la raison à ces hommes exaltés. Mais aucun raisonnement, aucune explication, ne touchaient ni leur esprit ni leur cœur. Les délégués se retirèrent en proférant des menaces. Le général Bedeau apprit en même temps que d’autres tentatives, faites par les hommes les plus connus du peuple, avaient été repoussées.

La proclamation du maire de Paris aux ouvriers, bien qu’elle leur promît que la constitution garantirait le droit au travail[1], ne produisait aucun effet. MM. Bixio, Recurt, Edmond Adam, qui avaient parcouru, depuis le matin, à peu près toute la rive gauche, revenaient dire que désormais il y aurait folie à prolonger les pourparlers.

MM. Bixio et Recurt conseillent d’attaquer vivement les barricades de la rue Saint-Jacques, de la remonter au pas de course et de rejoindre ainsi le général Damesme, dont on entendait gronder l’artillerie sur la place du Panthéon.

  1. Dans le premier projet de constitution, publié le 20 juin, un article spécial garantissait, en effet, le droit au travail.
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