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HISTOIRE

à pas, avec prudence, à mesure que l’opinion se montrerait favorable, elles firent des manifestations très-impolitiques, elles ouvrirent avec fracas des clubs qui devinrent aussitôt un sujet de risée. Elles portèrent dans les banquets des toasts dont le ton mystique et le sens vague ne pouvaient ni convaincre ni éclairer personne ; elles publièrent des journaux qui ne se firent point lire. L’une d’entre elles réclama officiellement, à la mairie d’une petite ville de province, son droit d’électrice ; peu après, une autre plus hardie encore, afficha, sur les murs de Paris, sa candidature à l’Assemblée nationale. À ces démonstrations, qui n’étaient que hors de propos, il se mêla des excentricités de bas étage. Une légion de femmes de mœurs équivoques fut organisée par une espèce de fou, nommé Borme, qui leur donna le nom de Vésuviennes, et les conduisit à plusieurs reprises à l’Hôtel de Ville pour y haranguer et y être haranguées. Toutes ces choses bizarres, ce tapage extérieur, n’eurent d’autre effet que d’effaroucher beaucoup de bons esprits et de rendre au préjugé, qui allait s’affaiblissant, une force nouvelle.

Cependant le peuple jugea différemment cette levée de boucliers féminine. Le peuple, et cela se conçoit, est peu sensible à la notion du ridicule. Il ne raille pas la bonne volonté ; il l’honore jusque dans ses écarts et ses échecs. Il a surtout, par droiture naturelle et par simplicité d’âme, un grand respect pour le caractère de la femme. Il ne partage à cet égard aucun des préjugés moqueurs qu’une éducation exclusivement littéraire entretient dans la bourgeoisie. Le peuple ignore l’infériorité de la femme, établie dans nos mœurs par la tradition latine. Il ne connaît guère davantage l’arrêt porté contre elle par la théolo-

    ainsi sur cette matière délicate : « La position tout à fait inférieure et subordonnée faite à la femme dans le mariage ne répond ni aux idées, ni aux mœurs de la France. La femme est insuffisamment protégée par la société dans certains cas où la loi, qui s’abstient, devrait intervenir. »