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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

munisme de Pierre Leroux, les théories de Louis Blanc éveillèrent dans son esprit des échos qui retentirent au loin ; quittant le roman de passion individuelle et de caractère, elle voua sa plume à la propagation du communisme et à la cause du prolétariat considérée du point de vue de l’égalité absolue. L’influence de madame Sand, que nous retrouverons tout à l’heure dans les conseils du ministre de l’intérieur, fut, malgré la force et la beauté de son talent, une influence purement agitatrice. Elle para de toutes les grâces d’une imagination inépuisable des objets qui jusqu’alors avaient semblé peu propres à inspirer les poëtes. Elle prit pour sujet de ses nouveaux romans le prolétaire des villes et des campagnes, ses travaux, ses misères ; elle opposa ses vertus à l’égoïsme des grands et des riches ; elle appela sur lui la pitié, en même temps qu’elle le montrait digne d’admiration ; mais elle n’aborda pas directement les doctrines philosophiques ou historiques sur lesquelles se fonde le droit de la démocratie, et se mit soigneusement à l’écart de toutes les tentatives faites par d’autres femmes pour réclamer l’extension au sexe féminin des progrès accomplis ou annoncés par la nouvelle République.

Ces tentatives, il faut le dire, ne furent ni bien mûrement réfléchies, ni bien sagement conduites par des femmes dont le zèle était d’ailleurs trop imparfaitement secondé par le talent. Sans tenir compte de l’état des mœurs, elles heurtèrent de front les usages et les coutumes plutôt que de chercher à gagner les esprits. Au lieu de reprendre dans leurs écrits la pensée de Condorcet, de traiter avec simplicité et modestie les questions relatives à l’éducation des femmes dans toutes les classes, aux carrières qu’il serait possible de leur ouvrir, au salaire de la femme du peuple, à l’autorité de la mère de famille, à la dignité de l’épouse, mieux protégées par la loi[1] ; au lieu d’avancer pas

  1. Un historien d’une gravité philosophique qui ne sera récusée par personne, M. Henri Martin, dans son beau livre de la France, s’exprime