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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

dit M. Arago d’un ton bref. « Cela n’est pas vrai ! » s’écrie une autre voix ; et une grande rumeur se fait dans les groupes. « Je ne puis parlementer avec des gens qui m’insultent, » dit M. Arago ; et il s’éloigne en faisant un geste d’indignation.

À ce moment, on voit, dans un groupe d’insurgés, une carabine qui se relève et l’ajuste. Un brusque mouvement détourne le coup. « Tous mes efforts ont été inutiles, dit M. Arago, en s’adressant aux officiers de la garde nationale qui attendent son retour avec inquiétude ; ces hommes sont insensés ; je ne puis plus rien ; il faut que la force décide. » Aussitôt on fait, sur son ordre, un roulement de tambours suivi des trois sommations légales ; puis on braque les canons sur la barricade. La troupe avance au pas de charge. M. Arago marche à sa tête ; il expose sa vie, une vie précieuse pour la France et pour le monde, avec la témérité d’un jeune soldat.

Soit que les insurgés ne se trouvent pas en nombre, soit que la vue du canon les intimide, ils quittent précipitamment la barricade et se jettent par les rues en criant : « Aux armes ! » Alors M. Arago se dirige vers la place Cambrai et la rue des Mathurins-Saint-Jacques, où une forte barricade, commandée par un capitaine de la 12e légion, oppose à la troupe une longue résistance. On ne parvient à l’ébranler que par le canon. Il faut l’enlever à la baïonnette, en perdant beaucoup de monde. Après avoir pris deux ou trois autres barricades et dégagé le pourtour du Panthéon, M. Arago, suivi seulement des gardes nationaux, rentre au Luxembourg, laissant les canons et la troupe au général Damesme, qui vient d’établir son quartier général sur la place.

Vers la même heure, un engagement vif avait lieu sur le boulevard Bonne-Nouvelle. J’ai dit comment Pujol avait fait construire, à la hauteur de la porte Saint-Denis, la première barricade. Elle était flanquée de deux autres qui fermaient l’entrée des rues Mazagran et de Cléry.