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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

cord évident, qu’une partie du gouvernement demeurât auprès du général en chef, à l’hôtel du président de l’Assemblée[1].

L’opinion de M. de Lamartine ayant prévalu, et les choses étant ainsi réglées, le général Cavaignac prit ses dispositions. Pendant qu’on battait le rappel et que la garde nationale courait aux barricades, il appelait à lui les généraux Bedeau, Lamoricière, Damesme, Foucher, Lebreton, et leur remettait les commandements qu’il leur avait destinés. Selon le plan convenu, il faisait masser les troupes dans les Champs-Élysées, dans les Tuileries, sur la place de la Concorde, sur l’esplanade des Invalides, et le général Foucher recevait l’ordre de veiller à la sûreté de l’Assemblée. Deux divisions principales devaient se partager les opérations. La première division, confiée au général Bedeau, allait se porter à l’Hôtel de Ville. La seconde, sous les Ordres du général Lamoricière, devait couvrir les faubourgs de la rive droite, sur toute la ligne des boulevards, depuis le Château-d’Eau jusqu’à l’église de la Madeleine. Une brigade de cavalerie commandée par le général Grouchy devait occuper les boulevards, depuis la rue du Helder jusqu’au faubourg Montmartre, et pousser des reconnaissances jusqu’au quartier général de M. de Lamoricière. Le général Damesme, à la tête d’une subdivision, était chargé de protéger la rive gauche, particulièrement le palais du Luxembourg, où siégeait une partie de la commission exécutive.

  1. On n’a pas assez remarqué, selon moi, le désintéressement politique qui inspira en ce moment la conduite et le langage de M. de Lamartine. Pour la seconde fois, il se sacrifiait au bien public. En refusant, après la journée du 16 avril, de se séparer de M Ledru-Rollin, dont les ressentiments pouvaient, selon lui, jeter une force encore très-puissante dans l’opposition révolutionnaire, il avait renoncé à tout espoir d’influence sur l’Assemblée ; cette fois, en reconnaissant, que l’opinion publique donnait au général Cavaignac une autorité supérieure à la sienne et nécessaire pour traverser une crise dangereuse, en s’effaçant devant un rival, il foulait aux pieds son orgueil, son ambition, tous les sentiments les plus forts du cœur humain.