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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

maisons et ses boutiques ; en aucun cas ne disséminer ses troupes, ne pas les engager isolément dans les rues, mais les jeter par colonnes puissantes dans les directions menacées, en maintenant toujours la libre communication avec le point central ; et si, enfin, l’armée ne pouvait tenir dans Paris contre la masse du peuple, sortir des murs et livrer bataille en rase campagne, tel était le plan stratégique du général Cavaignac[1]. Que l’on dût acheter la victoire par des pertes plus ou moins considérables, que plus ou moins de sang dût être versé, ce n’était là pour lui qu’une considération secondaire. Il s’impatientait, il s’indignait presque de voir les membres du gouvernement insister sur ce point. Pour lui, il s’agissait de sauver, avec son propre honneur, celui de son armée. À quel prix ? Il ne s’en occupait même pas. Il était de ceux qui pensent que rien n’est perdu quand l’honneur reste. D’ailleurs, il se voyait fortifié dans son dessein par les officiers supérieurs dont il avait demandé l’avis. Le général Bedeau, commandant de la garde mobile, depuis le 15 mai, et le général Lamoricière, qui, tous deux, avaient pris l’engagement formel de servir sous ses ordres, dans le cas où il aurait à combattre une insurrection sérieuse ; le général Négrier, questeur de l’Assemblée ; le colonel Charras, M. Clément Thomas, qui gardait le commandement de la garde nationale, en attendant l’arrivée du général Changarnier, tous étaient convenus qu’il fallait donner pour base d’opérations à l’armée un centre fixe, sur lequel chacune des ailes devrait pouvoir se replier au besoin, sans jamais risquer d’être coupée. Cette opinion était également soutenue dans le conseil par M. de

  1. Ce plan fut très-fidèlement exécuté. À aucun moment de l’insurrection, le rayonnement des extrémités au centre ne fut interrompu ; les ordres arrivèrent toujours avec la plus grande célérité ; jamais non plus le soldat ne manqua de vivres, ni le cheval de fourrage. L’excellente administration du colonel Charras qui avait tout prévu ; la rapidité, la précision, l’ensemble de ses dispositions pendant le combat, eurent cet heureux effet. On se rappelle que, en 1830, l’armée de Paris avait manqué de tout.