Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/372

Cette page a été validée par deux contributeurs.
368
HISTOIRE

— Par la force, c’est bien ; nous savons maintenant ce que nous voulions savoir.

— Et que vouliez-vous savoir ?

— Que la commission exécutive n’a jamais voulu sincèrement l’organisation du travail. Adieu, citoyen. »

À ces mots, Pujol, suivi des délégués, s’éloigne ; il redescend sur la place. L’impatience y était grande ; déjà l’on commençait à dire qu’il était retenu prisonnier. Quand on l’aperçoit, il se fait une explosion de joie dans la foule ; on se précipite à sa rencontre, on le suit jusqu’à la place Saint-Sulpice, où, étant monté sur le rebord de la fontaine, Pujol commence à haranguer le peuple, et rend compte de sa mission. À mesure qu’il parle, les délégués attestent par signes la vérité de son récit, ou répètent ce que l’éloignement et le bruit des cloches empêchent d’entendre.

C’est le 22 juin, on célèbre la Fête-Dieu ; la foule est à l’église, en prières.

Quelques ouvriers montent dans le clocher et font taire la sonnerie qui les gêne. Pujol reprend son discours ; l’effet en est immense. Il le termine en convoquant ses hommes, pour six heures du soir, sur la place du Panthéon. On se disperse aux cris de : Vive Barbès ! Vive Napoléon ! Vive Pujol ! et cette masse tumultueuse, divisée en plusieurs colonnes, se répand sur les quais, sur la place de Grève, dans le faubourg Saint-Antoine ; elle jette l’effroi dans Paris ; la physionomie des ouvriers est sinistre ; leur attitude les montre résolus à tout.

À six heures du soir, cinq ou six mille hommes sont rassemblés sur la place du Panthéon. Pujol arrive ; il monte sur le bord de la grille et s’écrie : « Citoyens, êtes-vous fidèles au saint drapeau de la République ? — Oui ! répondent, comme une seule voix, les voix de ces six mille prolétaires. — Eh bien ! gloire à vous, enfants de Paris ! vous allez donner à la France un exemple de votre patriotisme et de votre courage. Unissons-nous, et que ce cri retentisse