Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/354

Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
HISTOIRE

« Sans aucun doute, on veut se défaire de nous, disent les brigadiers ; cette violence n’est que le prélude de celles qu’on nous prépare. On commence par le directeur, puis viendra le tour des ouvriers. »

M. Trélat, connaissant ces discours et se flattant de calmer l’agitation par sa présence, se rend à Monceaux. Il fait réunir les délégués. Il leur annonce, en termes ambigus, la démission de M. Émile Thomas, son départ. On l’écoute d’abord en silence ; puis on l’interrompt. On exige des explications catégoriques. M. Trélat n’en saurait donner ; ses réponses évasives provoquent des murmures. Des murmures, on en vient aux menaces ; des menaces, on va passer à l’effet, quand les sous-directeurs s’interposent ; ils détournent l’attention des délégués en proposant de signer une pétition à l’Assemblée en faveur de M. Émile Thomas. Pendant qu’on se presse au bureau, ils font évader le ministre par une porte de derrière.

Le lendemain, malgré une si grande fermentation, M. Lalanne, ingénieur des ponts et chaussées, nommé directeur en remplacement de M. Émile Thomas, est bien reçu à Monceaux. Il trouve la plupart des ouvriers encore très-accessibles au langage de la raison. Ils consentent à rentrer chez leurs patrons, sous la seule garantie que leur donne la nouvelle loi des prud’hommes[1]. Approuvant le recensement ordonné par M. Trélat pour détruire les fraudes et les abus, ils se prêtent à toutes les investigations nécessaires pour constater l’identité de l’individu, le domicile et la profession des hommes inscrits[2]. Ils témoignent la meilleure volonté pour faciliter au gouvernement les moyens de diminuer le mal et d’y porter remède.

Voyons cependant ce qui se passait à l’Assemblée.

  1. Cette loi avait été présentée par M. Flocon, alors ministre du commerce.
  2. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 13, le résultat du recensement par profession.