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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

sont dans l’antichambre du ministre. À sa grande surprise, M. Émile Thomas, introduit auprès de M. Trélat, apprend de sa bouche que le gouvernement a décidé de le faire partir sur l’heure pour Bordeaux.

Dans quel dessein, pour quel motif, en vertu de quelle loi ? A-t-on contre lui un mandat d’amener ? Ne pourra-t-il du moins, avant de partir, aller prendre quelques dispositions dans sa demeure, voir sa mère ?… À ces questions le ministre de la République répond, comme aurait pu le faire un lieutenant de police sous le régime du bon plaisir, « qu’il n’a pas de compte à rendre, et que les ordres du gouvernement doivent être exécutés sans délai. » Puis il sonne. Le commissaire de police paraît ; on dresse le signalement de M. Émile Thomas ; on le fait monter en voiture ; M. Trélat remet une bourse aux deux officiers de paix qui, armés de pistolets, prennent place aux deux côtés du prisonnier. Pour toute consolation, le ministre déclare à M. Émile Thomas qu’il sera remis en liberté à Bordeaux, où on lui fera connaître la mission de confiance dont le gouvernement juge à propos de le charger.

Arrivé à Bordeaux, le 29, M. Émile Thomas est arrêté par la gendarmerie sur un ordre du télégraphe. Relâché deux heures après sur un ordre nouveau, il est conduit chez le commissaire du département, M. Duclos. Celui-ci lui dit qu’il ne comprend rien aux instructions contradictoires reçues depuis vingt-quatre heures, lui rend la liberté et lui explique sa mission, qui consiste à aller étudier un projet de canalisation et l’embrigadement des ouvriers dans le département des Landes.

Cependant le bruit de l’enlèvement de M. Émile Thomas arrive aux ateliers nationaux et augmente l’inquiétude que la menace d’une prochaine dissolution y a déjà fait naître. On ne sait rien de précis. Quel est le motif de cette arrestation ? est-ce prévarication dans l’administration ? est-ce quelque complot contre l’Assemblée ? Où se trouve le prisonnier ? Personne ne peut le dire.