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HISTOIRE

Seulement quelques esprits, tenant compte des circonstances et voulant agir avec humanité, dans l’intérêt de la paix publique, considérant, d’ailleurs, l’État comme engagé envers les ouvriers par des promesses formelles, cherchent un mode de dissolution lent et ménagé qui ne jette pas brusquement dans la détresse les familles de soixante-quinze mille braves ouvriers, dont le seul tort est de manquer d’ouvrage. D’autres, au contraire, traitant de complaisance coupable la compassion, l’équité des premiers, veulent sur l’heure, sans transition ni ménagement, chasser de Paris et disperser à tout prix, sans s’occuper de leur trouver du pain, ces lazzaroni, ces janissaires, comme ils les appellent dans leur langage aussi injuste qu’imprudent.

Le ministre des travaux publics, M. Trélat, dès le 17 mai, avait nommé une commission ; l’Assemblée en avait, de son côté, choisi une autre, afin d’examiner cette grave question des ateliers nationaux. Le rapport de la commission nommée par M. Trélat fut soumis au bout de peu de jours aux membres de la commission exécutive. Ils refusèrent de le signer, parce que ce rapport reconnaissait en principe le droit au travail qu’ils avaient eux-mêmes proclamé trois mois auparavant. Étrange contradiction ! et qui met dans toute son évidence le trouble et l’incertitude auxquels étaient en proie ceux qui voulaient et croyaient conduire la société.

La première commission, formée au ministère des travaux publics, se trouvant ainsi dissoute, une seconde commission, à laquelle il fut interdit de prendre pour base le droit au travail, commença ses travaux et formula bientôt un ensemble de mesures bonnes, humaines, secourables, qui montraient que, à ses yeux, le devoir du gouvernement et de l’Assemblée envers les ouvriers était positif.

La commission proposait, entre autres moyens d’occuper les ouvriers à des travaux utiles, la colonisation de l’Algérie sur une vaste échelle. Elle demandait à l’Assemblée de ve-