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HISTOIRE

nationale foncière. Souvent même il lui arrivait d’écouter avec trop de patience des propositions déraisonnables, celle de M. Charbonnel, entre autres, qui voulait que l’on forçât les propriétaires à faire des défrichements et des améliorations dans leurs terres pour la valeur d’un cinquième de leur revenu. Parfois elle accueillait des paroles qui, plus tard, dans une autre assemblée, paraîtront insensées ou séditieuses ; elle se laissait dire, par exemple : « Qu’en proclamant la République, le peuple n’a pas voulu seulement changer la forme du gouvernement, mais détruire la cause de la misère et modifier d’une manière profonde les institutions sociales. » Elle supporte qu’on affirme à la tribune « qu’il serait d’une bonne politique de ne pas repousser légèrement les conseils des novateurs, et d’encourager les écoles socialistes à tenter des essais au lieu de chercher à les rendre ridicules[1]. » Elle se préoccupe enfin très-sérieusement des ateliers nationaux, et beaucoup de ses membres les plus éclairés cherchent avec application les moyens de pourvoir au sort des ouvriers, en les employant à des travaux utiles.

Par malheur, pendant qu’on se livrait à ces recherches sérieuses, bien des accidents fâcheux étaient survenus ; des cabales au dedans de l’Assemblée, des troubles au dehors, avaient accru les difficultés et frappé d’impuissance les hommes de bien. Depuis quelque temps, la fermentation des esprits effrayait et décourageait tous ceux qui avaient espéré terminer pacifiquement, par voie de conciliation et de composition entre les classes et les partis, la crise révolutionnaire.

On ne se communique plus que de mauvaises nouvelles. Presque chaque jour on apprend qu’un nouveau corps de métier est entré en grève. Depuis le mois de mars, les ouvriers ont des altercations très-vives avec les patrons, dont ils repoussent les tarifs. Un très-grand nombre d’entre eux,

  1. Voir, au Moniteur, les séances des 28 et 30 mai 1848.