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HISTOIRE

rieux qu’a fait naître mon élection, mais les troubles dont elle a été le prétexte, mais l’hostilité du pouvoir exécutif, m’imposent le devoir de refuser un honneur qu’on croit avoir été obtenu par l’intrigue.

« Je désire l’ordre et le maintien d’une République sage, grande, intelligente, et puisque involontairement je favorise le désordre, je dépose, non sans de vifs regrets, ma démission entre vos mains. Bientôt, je l’espère, le calme renaîtra et me permettra de retourner en France comme le plus simple des citoyens, mais aussi comme un des plus dévoués au repos et à la prospérité de mon pays.

« Louis-Napoléon Bonaparte. »


Bien que le ton de cette lettre fût tout autre que celui de la première ; bien que le mot de république s’y trouvât comme un hommage au sentiment de l’Assemblée, et que l’expression de simple citoyen protestât contre le personnage de prétendant, l’Assemblée affecta de la traiter avec dédain et la renvoya au ministre de l’intérieur, sur ce motif que l’admission du citoyen Louis Bonaparte n’ayant été prononcée que conditionnellement, jusqu’à preuve d’âge et de nationalité, la démission ne pouvait pas être acceptée.

Ainsi se terminèrent les premiers rapports officiels entre le prince Louis-Napoléon Bonaparte et l’Assemblée constituante.

En renonçant à se prévaloir de sa triple élection, en feignant de céder aux désirs de l’Assemblée, Louis Bonaparte retira du conflit qui venait de s’élever un notable avantage. Sa modération le grandit dans l’opinion publique, sans empêcher qu’aux yeux du peuple il ne personnifiât le principe même de souveraineté nationale que les représentants semblaient méconnaître. Dès ce jour, il donna un nom, un nom éclatant aux vagues efforts que faisait, par des mains obscures, la révolution pour se dégager des entraves qu’on lui opposait. Il absorba en lui, il incorpora, pour ainsi par-