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HISTOIRE

acceptons cette expiation, s’écria M. Marrast ! La magnanimité que le peuple a déployée le jour du combat, commandait à tous les organes du gouvernement provisoire la conduite qu’ils ont tenue. Quand nous sommes venus ici, nous n’avons voulu penser qu’à la vie d’Armand Carrel ; nous avons oublié sa mort. Quelque part que se rencontre le talent allié à un noble caractère, le gouvernement provisoire lui tendra la main, quand il viendra se vouer au service de la cause que nous défendons tous, au service de la République ? » Et ces deux hommes, en présence de spectateurs nombreux et très-diversement agités, se serrèrent la main en signe de réconciliation.

Certes, une telle pensée était belle et touchante ; il y avait de la grandeur dans ce rapprochement de deux ennemis sur une tombe. Mais l’attitude et la physionomie des assistants montrèrent qu’ils n’interprétaient pas favorablement une démonstration qui, faite par des hommes simples, eût tiré des larmes de tous les yeux. On ne voulut voir dans cette réconciliation de deux hommes habiles qu’un jeu concerté ; malgré ce qu’il y eut de sincère et de courageux dans la démarche de M. de Girardin, elle ne fit sur l’opinion publique d’autre impression que celle d’une scène médiocrement jouée. On aurait craint aussi de se montrer dupe en prenant trop au sérieux la magnanimité de M. Marrast.

C’est la punition des esprits sceptiques de comprendre parfois la grandeur, d’en approcher même d’assez près, mais de la faire évanouir dès qu’ils y touchent.

Dans la multitude d’idées et de sentiments que la fermentation révolutionnaire faisait surgir tout à coup du silence où ils étaient demeurés longtemps comme étouffés, les opinions nouvelles relatives à la condition des femmes, à leurs droits et à leurs devoirs dans la famille et dans l’État, ne devaient pas rester inexprimées. La révolution de 1848 essaya sur ce point, comme sur tous les autres, de reprendre les traditions de la première révolution.