Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/336

Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
HISTOIRE

Cette lecture ramène à la tribune M. Jules Favre pour appuyer de nouveau l’admission. L’Assemblée n’hésite plus. Malgré M. Buchez, qui essaye une dernière fois de prévenir une rupture ouverte avec la commission exécutive ; malgré M. Degousée, qui propose un amendement modifié, dit-il, par la lettre du citoyen Bonaparte, et demande le maintien du décret de bannissement seulement jusqu’à la mise à exécution de la constitution, l’admission est prononcée aux deux tiers des voix. À cette nouvelle, qui se propage avec une grande rapidité, les rassemblements se dispersent en proférant de nouveaux cris de : Vive Napoléon ! mais sans donner le moindre signe de reconnaissance pour l’Assemblée. Elle ne retira pour sa popularité aucun profit de l’humiliation qu’elle infligeait à la commission exécutive. Louis Bonaparte, plus habile qu’elle, ne se prévalut même pas du vote qui lui ouvrait l’enceinte de la représentation nationale ; ses partisans ne jugeaient pas que le moment fût propice. MM. Laity et de Persigny, arrêtés comme excitateurs de troubles, mais relâchés aussitôt par un gouvernement qui répugnait à toutes les rigueurs, étaient partis pour Londres immédiatement après le vote du 13 juin, afin de bien exposer au prince quels en étaient le sens et la portée. Ce vote n’était autre chose, à leur avis, qu’un acte d’opposition à la commission exécutive ; on s’abuserait en y voyant l’expression d’une sympathie pour Louis-Napoléon. La grande majorité de l’Assemblée, disaient ces ardents bonapartistes, était encore très-décidément républicaine. La droite, à la vérité, semblait prête à l’attaque, mais c’était sous l’inspiration de MM. de Falloux, Thiers et Montalembert, dans un intérêt dynastique. Le prince Louis, en entrant dans une assemblée ainsi disposée, n’y aurait qu’une position secondaire. Il y serait toléré comme peu dangereux, négligé par conséquent. Ou bien il engagerait une lutte prématurée et serait vaincu ; ou bien il garderait le silence, resterait confondu dans la foule des représentants et perdrait insensiblement tout son prestige.