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HISTOIRE

gouvernement personnel. Bien que républicaine d’intention, elle restait en ceci dans la tradition monarchique et ne concevait la force que dans la personnalité, La proposition d’abolir la présidence venait donc heurter la disposition générale, sans nécessité et sans à-propos[1].

M. Ledru-Rollin fut plus politique que M. Louis Blanc ; il opposa des faits précis aux généralités de son collègue. Il certifia que, d’après une instruction commencée, il y avait eu de l’argent distribué, du vin versé au nom de l’Empereur. « Des embauchages se font pour une nouvelle garde impériale, dit M. Ledru-Rollin ; il y a conspiration flagrante dans l’entourage du prince, dans les partis qui se servent de son nom. » Il conclut en suppliant l’Assemblée de prévenir le sang versé, et de faire exécuter temporairement une loi de nécessité. M. Ledru-Rollin parle avec beaucoup de sens et de vigueur, son langage est celui de la raison, mais M. Ledru-Rollin est impopulaire dans l’Assemblée, comme M. Louis Blanc, comme M. de Lamartine. Tout ce qu’il peut obtenir d’une majorité fortement prévenue contre lui, c’est qu’elle hésite un moment. Voyant ce mouvement insensible qui se fait dans les esprits, un partisan du prince, M. Bonjean, monte à la tribune et lit une lettre de Louis Bonaparte datée de Londres, 23 mai. L’Assemblée avait refusé d’entendre la lecture de cette même lettre dans la séance où avaient été lues les lettres du prince de Joinville et du duc d’Aumale ; mais cette fois le temps avait marché. On savait par expérience que le nom du prince de Joinville n’éveillait que peu d’écho dans les masses. La droite avait compris

  1. Dans une lettre en date de Londres, 11 novembre 1861, M. Louis Blanc, après avoir donné à l’auteur quelques explications au sujet de son vote, ajoute ces paroles qui méritent d’être conservées : « Loin de me repentir d’avoir voté contre le bannissement à perpétuité des Bourbons, des d’Orléans et des Bonaparte, je m’honore de ces votes comme des actes les plus vraiment républicains que m’ait jamais inspirés ma conscience. »