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HISTOIRE

rardin, on circonvenait M. Carlier, on signalait enfin à tous les mécontents politiques la candidature de Louis Bonaparte comme l’acte d’opposition le plus habile et le plus efficace.

Le succès dépassa l’attente : une triple élection dans les départements de l’Yonne, de la Charente-Inférieure et de la Corse, envoya à l’Assemblée constituante le représentant du peuple Louis-Napoléon Bonaparte.

Cette élection était assurément le fait le plus grave qui se fût produit depuis le 4 mai. Cependant on ne voit pas que l’Assemblée s’en émut beaucoup. La majorité républicaine ne se préoccupait que de ses querelles avec la commission exécutive et des intrigues du parti orléaniste. L’élection de M. Thiers lui paraissait un danger bien plus grand pour la République que l’élection de Louis Bonaparte.

Dans la discussion soulevée à l’occasion du décret de bannissement de la maison d’Orléans, comme il avait été question d’étendre la mesure à la famille Bonaparte, les républicains s’étaient presque tous opposés avec beaucoup de vivacité à cette extension. En parlant des deux maisons de Bourbon : « Elles sont venues toutes deux dans les fourgons des Cosaques, qu’elles s’en aillent ensemble ! s’écriait le représentant Vignerte ; quant à la famille Bonaparte, nous l’adoptons provisoirement, parce qu’elle n’est pas dangereuse ! » M. Ducoux, qui fut plus tard préfet de police sous le gouvernement du général Cavaignac, combattit également l’assimilation que l’on voulait faire entre les deux maisons royales et la famille Bonaparte. « La famille Bonaparte, disait-il, n’a plus qu’une valeur intrinsèque ; elle n’est plus que la tradition glorieuse d’une époque que personne ne peut avoir la folie de vouloir recommencer. » Plusieurs représentants républicains parlèrent dans le même sens. Enfin, la discussion s’étant renouvelée le 10 juin, à l’occasion d’une proposition de M. Piétri qui tendait à abroger l’article 6 de la loi du 10 avril 1832, M. Crémieux,