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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tout le débat s’était tenu dans l’ambiguïté, ne voulant ni réclamer ni renier son droit de citoyen suisse, quitte Arenenberg et se rend à Londres.

Là, il se vit médiocrement accueilli par l’aristocratie anglaise, qui, à cette époque, professait pour la politique de Louis-Philippe une admiration extrême ; il vécut dans la société excentrique du comte d’Orsay et de lady Blessington, et fut circonvenu par une foule d’aventuriers qui s’efforcèrent de le pousser à une expédition nouvelle. Ce ne fut pas difficile. Tout en paraissant s’absorber dans les amusements de la vie élégante, le prince Louis poursuivait ses plans cachés et méditait une descente sur la côte de France.

L’échec de Strasbourg, loin d’ébranler sa croyance superstitieuse, l’avait plutôt raffermie. Il avait fait paraître en cette circonstance toutes les qualités d’un conspirateur : le secret dans les desseins, l’audace dans l’entreprise, la constance dans les revers. Il ne doutait pas de sa mission. « Peu m’importent les cris du vulgaire qui m’appellera insensé, parce que je n’aurai pas réussi, et qui aurait exagéré mon mérite si j’avais triomphé, » écrivait-il à sa mère[1]. « Si je serai l’homme de la fatalité, ou l’homme de la providence, je l’ignore, disait-il encore à une femme de ses amies ; mais peu importe, je vivrai ou je mourrai pour ma mission. »

De semblables pensées, perpétuellement entretenues et flattées par les émissaires qui lui arrivaient de France, ne devaient pas rester longtemps spéculatives. Dans le mois d’août 1840, moins de quatre ans après l’expédition de Strasbourg, tout était disposé par Louis-Napoléon pour un débarquement.

Malgré le ridicule qui s’est attaché au complot de Boulogne, favorisé, a-t-on dit, puis éventé par la police de M. Thiers ; bien que l’expédition ait échoué plus vite et plus complétement encore que celle de Strasbourg, les personnes ini-

  1. Lettres à sa mère, Œuvres complètes, vol. III. p. 183.