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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

toujours est-il qu’on se privait à Claremont des choses les plus nécessaires. La reine ne buvait pas de vin ; les princesses travaillaient elles-mêmes à leurs robes. La famille était triste, mais, hormis chez Marie-Amélie, cette tristesse n’avait rien de royal.

La couronne de France avait bien pu échoir, par un hasard heureux, aux princes de la maison d’Orléans, mais le sentiment de la royauté n’était pas entré dans leur âme. Louis-Philippe, imbu dès sa première jeunesse des idées de la Révolution, plus semblable par ses goûts et ses opinions à un citoyen des États-Unis d’Amérique qu’à un prince du sang de Bourbon, ne s’était jamais considéré, même en s’asseyant sur le trône de Louis XIV, comme un souverain par droit héréditaire, mais comme un grand administrateur de la chose publique, qui portait occasionnellement le titre de roi. Il n’avait jamais examiné la légitimité, mais seulement l’utilité de ce pouvoir royal qui lui était confié, à certaines conditions, par des hommes de mœurs républicaines. Il ne possédait ni les vertus, ni les vices de la souveraineté traditionnelle ; ses défauts et ses qualités étaient, à un degré éminent, ceux d’un bourgeois de Paris, émancipé par le dix-huitième siècle et la Révolution française. Aussi, sa chute ne l’avait-elle pas étourdi plus que son élévation. Comme il n’avait pas connu les soucis de la grandeur, il ne connaissait pas davantage les angoisses de l’exil. Les trop rares visiteurs de Claremont le trouvaient là, comme aux Tuileries, causeur infatigable, d’humeur bien tempérée, familier avec les vicissitudes des temps démocratiques ; comprenant tout, expliquant tout ; ramenant tout à cette ligne moyenne

    toujours. À plusieurs reprises, il déchira un projet de décret de confiscation que lui apportait M. Jules Favre. M. Goudchaux, en prenant le portefeuille des finances, avait annoncé à M. de Montalivet et à M. Vavin, nommés administrateurs des biens, qu’il ne considérait le séquestre que comme une mesure temporaire de prudence, et qu’immédiatement après la réunion de l’Assemblée nationale les biens de la maison d’Orléans lui seraient remis intégralement.