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HISTOIRE

dont on essaye de noircir ceux qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir la République ; de la vouloir grande, noble, glorieuse, respectant la liberté individuelle, à ce point que, pendant deux mois, pas une arrestation n’a été opérée, et que la liberté de personne n’a été ni atteinte, ni même menacée. »

De nombreux témoignages s’élevèrent en faveur de M. Louis Blanc ; il fut défendu, avec l’accent de la conviction, par plusieurs de ses adversaires politiques, mais l’Assemblée était prévenue contre lui ; elle écouta à peine la défense, parce qu’elle ne voulait pas être persuadée, et décida qu’une commission serait nommée pour examiner la demande en autorisation de poursuites. Cette commission, après avoir entendu M. Garnier-Pagès et M. de Lamartine, qui parla pour M. Louis Blanc avec une vivacité extraordinaire, conclut à l’autorisation[1] et choisit pour son rapporteur M. Jules Favre.

Le 2 juin, M. Jules Favre apporta à la tribune un rapport très-long, très-embarrassé, qu’il lut d’un ton si adouci, que presque jusqu’à la fin le public des tribunes s’imagina qu’il allait conclure contre l’autorisation de poursuites[2].

Ce rapport produisit sur l’Assemblée une impression pénible et qui inclina favorablement les esprits vers M. Louis Blanc. On n’ignorait pas que M. Jules Favre obéissait en cette circonstance à des animosités personnelles plutôt qu’à l’équité.

La presse tout entière ou resta neutre ou prit parti pour M. Louis Blanc. Le National se prononça fortement dans ce dernier sens ; M. de Lamartine répétait tout haut, dans son salon et dans les couloirs de l’Assemblée, que M. Louis Blanc n’était pas plus coupable que lui-même ; enfin M. Bar-

  1. Ce fut à la majorité de quinze voix contre trois. Les trois représentants qui votèrent contre l’autorisation de poursuites étaient MM. Freslon, Bac et Dupont (de Bussac).
  2. Dans un journal du temps on compare le rapport de M. Jules Favre à une jatte de lait empoisonné.