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HISTOIRE

l’imprudence populaire lui fournit de nouvelles occasions de triomphe et de nouveaux motifs de répression.

Secondée dans ses vues par un certain nombre de représentants sans expérience politique, que le 15 mai troubla beaucoup, qui s’indignaient sincèrement de voir leurs bonnes intentions méconnues par le peuple et croyaient des mesures vigoureuses de répression utiles à la République, la droite, qui, à l’ouverture de l’Assemblée, considérait comme un succès la présidence donnée à M. Buchez, obligea celui-ci à venir excuser sa conduite pendant l’émeute, et l’ayant ainsi humilié, elle ne fit plus que le tolérer jusqu’à l’expiration de ses fonctions. Elle écouta également avec des marques d’incrédulité offensantes les explications du colonel Charras, qu’elle accusait d’avoir favorisé l’émeute en empêchant de battre le rappel ; elle murmura quand M. Clément Thomas, dont elle venait d’applaudir la nomination, déposa sur le bureau une pétition des officiers de la garde nationale, qui déclaraient ne vouloir pas plus de réaction que d’anarchie. Enfin, et ceci montre quel chemin on avait parcouru en peu de jours, et combien on se croyait déjà sûr de la victoire, on commença d’attaquer M. de Lamartine.

Sa popularité, déjà fort ébranlée au 10 mai par son alliance avec M. Ledru-Rollin, reçut, au 15 mai, une nouvelle atteinte. Lorsqu’on le vit soutenir M. Caussidière, on se confia d’abord à voix basse, puis on dit tout haut qu’il était complice des factieux. On assigna les motifs les plus frivoles, ou les plus scandaleux, à sa prétendue intimité avec M. Ledru-Rollin, à son alliance supposée avec M. Blanqui. Bientôt, lorsqu’on s’aperçut que ces bruits ridicules trouvaient des oreilles complaisantes, on alla plus loin ; on ne rougit pas d’attaquer la probité et l’honneur de M. de Lamartine[1].

Une telle audace de la droite, succédant si promptement

  1. Voir la Lettre aux dix départements, dans laquelle M. de Lamartine répond à ces ignobles calomnies.