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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Marie, Crémieux, Marrast, Pagnerre, prirent successivement la parole et firent de véritables excuses à la garnison des Tuileries. Ils dirent que ce qui venait de se passer était une méprise ; que le gouvernement n’avait pas été informé ; qu’il regrettait qu’on eût méconnu le caractère honorable des citoyens auxquels il rendait toute justice. Ils déclarèrent que la garnison des Tuileries demeurerait vingt-quatre heures encore dans le palais afin de bien montrer qu’elle se retirait librement et promirent de nouveau qu’elle sortirait avec les honneurs de la guerre. C’était le 6 mars. Le lendemain, à midi, le général Courtais vint, en grand uniforme, suivi de son état-major, passer la revue des trois cents. Il fit décharger les armes et, marchant en tête de la colonne, il prit, au milieu d’une foule attirée par la bizarrerie de ce spectacle, le chemin de l’Hôtel de Ville. Là, les harangues et les remercîments recommencèrent ; une somme de 500 francs fut distribuée. Puis, ces hommes qui avaient tenu un moment tout Paris en effroi, qui avaient vécu dans les splendeurs d’une résidence royale, qui avaient en quelque sorte traité d’égal à égal avec le gouvernement de la République, rentrèrent dans leur obscurité et dans leur indigence. Tout n’était pas dit cependant. À vingt jours de là, l’un d’eux, le nommé Bichair, allumeur de réverbères, étant mort à l’hospice des invalides civils, on lui rendit des honneurs funèbres dignes d’un héros. Dans un moment où des milliers d’honnêtes ouvriers manquaient de pain, on dépensa 11,000 francs pour ses obsèques. Le Moniteur décrivit, dans un langage épique, la cérémonie « qui fut, dit-il, la plus grandiose et la plus touchante. Jamais maréchal de France, s’écriait la feuille officielle, ne fut honoré avec plus de majesté. »

Après l’expulsion des trois cents, le jardin des Tuileries, resté fermé jusque-là, fut rendu au public. Tout y avait repris l’aspect le plus tranquille ; il ne restait aucune trace de désordre. Le printemps y faisait sentir déjà sa douceur précoce ; la sève des marronniers rougissait les bour-