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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

L’émeute se retire et ses auteurs sont jetés en prison : souvenir de thermidor. Cette manifestation inintelligente, impuissante, liberticide et ridicule, ajoute-t-il ailleurs, ne fut, du commencement jusqu’à la fin, qu’un pastiche des grandes journées de la Convention. »

En effet, dans l’insurrection de prairial, qui exprimait des passions vraies, tout fut tragique ; presque tout, dans la journée du 15 mai, parut ridicule, parce que tout y était factice. En 1795, une disette effroyable, combinée avec l’avilissement des assignats, exaspère le peuple ; aussi trouve-t-il à l’instant même une formule précise pour ses exigences. Il veut du pain et la constitution de 93, « à laquelle se rattachaient, dit Levasseur, toutes les espérances. » Deux représentants sont les chefs avoués de la conspiration[1]. L’un des principaux accusés, sans attendre l’issue du procès, s’enfonce un couteau dans la poitrine, et trois autres, qui s’étaient frappés du même fer, sont traînés sanglants à l’échafaud. Les commissions militaires s’établissent en permanence. La répression est sans pitié, parce que l’attaque a été terrible. L’insurrection du 15 mai, au contraire, qui demandait à la fois deux choses contradictoires, la guerre et l’organisation du travail, ne fut qu’un de ces vagues mouvements de fermentation, comme il s’en produit souvent, sans aucune cause particulière, dans les masses inoccupées qu’agite l’esprit de révolution ; ce fut une journée de Fronde démocratique où les intrigues entre-croisées de quelques aventuriers politiques eurent la part principale, que désavouèrent à l’envi tous les chefs populaires, hormis Barbès, et qui devint bientôt, non sans raison, un sujet de confusion ou de risée pour tout le monde.

  1. M. Thiers le nie, mais Levasseur, le Montagnard, en convient.