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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

« Au nom du peuple, l’Assemblée nationale est dissoute. »

L’horloge marquait en ce moment trois heures et demie.

Dans le même temps, M. Buchez, insulté, menacé par les factieux, est renversé de son fauteuil. Des amis l’entourent, lui font un rempart de leurs corps et parviennent à le faire sortir de la salle. Le plus grand nombre des représentants suit cet exemple. Quelques-uns, qui croyaient au succès possible de l’insurrection, vont à tout hasard sur les quais du côté de l’Hôtel de Ville ; les autres rejoignent à l’hôtel de la Présidence MM. Senard et de Lamartine. M. Louis Blanc est poussé par la foule vers l’esplanade des Invalides. M. Raspail, qui, pendant les scènes que je viens de décrire, a quitté la salle, s’est évanoui sur le gazon du jardin, où il est encore. M. Sobrier est porté en triomphe par des ouvriers. Huber va sur le péristyle annoncer que l’Assemblée est dissoute et il disparaît.

MM. Barbès et Albert ont pris le chemin de l’Hôtel de Ville ; la salle est abandonnée à quelques factieux. Se croyant vainqueurs, ils écrivent à la hâte des listes de noms pour un gouvernement provisoire. Laviron, qui s’est assis sur le fauteuil du président, propose successivement à l’acceptation du peuple ces noms qui soulèvent des protestations nombreuses[1] ; un bruit de tambours les interrompt. « La garde mobile ! voici la garde mobile ! nous sommes trahis ! » s’écrie-t-on avec effroi. Une panique épouvantable saisit la foule ; on fuit, on se disperse, et quand le commandant Clary, à la tête du deuxième bataillon de la garde mobile, paraît à l’entrée de la salle, il n’aperçoit plus que quelques fuyards qui se précipitent par les issues opposées ; les banquettes sont vides. Il est alors près de cinq heures.

  1. Sur ces listes improvisées à l’insu des personnes intéressées, on lisait les noms suivants : MM. Barbès, Blanqui, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Huber, Raspail, Caussidière, E. Arago, Ch. Lagrange, Cabet, P. Leroux, Considérant, Proudhon.