Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

était chargé de garder le pont de la Concorde ; deux autres bataillons devaient se placer dans le jardin du palais ; un quatrième devait stationner sur l’esplanade des Invalides. En même temps, la commission exécutive faisait afficher sur les murs une proclamation contre les attroupements.

Ces précautions semblaient plus que suffisantes, car, dans tous les rapports envoyés le 14 de la préfecture de police, M. Caussidière annonçait que la manifestation serait pacifique. Il répondait des hommes qui la conduisaient : ses agents, d’ailleurs, disait-il, mettraient la main sur Blanqui et sur Sobrier au premier signal ; il répondait de tout enfin, à une seule condition : c’est que l’on ne ferait pas battre le rappel. C’était aussi l’opinion de M. Marrast, qui ne considérait pas la chose comme grave. MM. de Lamartine et Ledru-Rollin, qui avaient donné leurs instructions à Sobrier, ne concevaient non plus aucune inquiétude. Il n’y avait pas lieu, en effet, de s’alarmer : on était loin déjà du 17 mars ; l’impulsion révolutionnaire était sensiblement ralentie ; on ne sentait plus ni direction, ni concert dans les agitations populaires. À mesure que l’heure approchait, les meneurs, troublés ou gagnés, changeaient de langage. Les véritables chefs du parti révolutionnaire, ou bien se prononçaient contre la manifestation, ou bien restaient indécis. Dans son journal le Représentant du peuple, M. Proudhon tançait rudement les fades humanitaires, les clubistes sans cervelle, qui projetaient une manifestation. M. Barbès la désapprouvait, y soupçonnant la main de Blanqui, et faisait jurer à Huber que, — du moins, elle se ferait sans armes. M. Cabet avait décidé que son club n’y paraîtrait pas. À la réunion qui eut lieu chez M. Louis Blanc, et où se trouvaient MM. Greppo, Detours, Thoré, on reconnut qu’une manifestation, en tête de laquelle on verrait figurer des brouillons tels que Sobrier, Laviron, Flotte, des personnages énigmatiques tels que Bonne, Quentin, Degré, était extrêmement dangereuse : on convint, en conséquence, qu’il fallait s’efforcer d’en dissuader le peuple.