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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

rance publiques, la jeunesse parisienne imagina de faire des promenades nocturnes, à la clarté des torches, au bruit des pétards, et de sommer par des menaces ironiques les habitants paisibles d’illuminer partout sur son passage.

Dans le faubourg Saint-Antoine, les petits locataires exigeaient du propriétaire la remise totale, ou tout au moins la réduction du terme échu des loyers. Ceux des propriétaires qui obtempéraient à ces requêtes voyaient leurs noms inscrits sur des drapeaux que l’on promenait triomphalement par les rues ; les propriétaires récalcitrants étaient hués et bafoués de toutes les manières. Le plus souvent, on plantait sur leur maison un drapeau noir, et l’on venait pendre ou brûler sous leur fenêtre un mannequin vêtu d’une robe de chambre et d’un bonnet de coton, type consacré du mauvais propriétaire[1]. La plantation des arbres de la liberté devint aussi l’occasion ou le prétexte de beaucoup de bruit et de quelques désordres.

Pour inoffensives que fussent ces promenades, ces mannequins brûlés et ce gai refrain des lampions, devenu si populaire, ils ne laissaient pas de troubler beaucoup la sécurité des quartiers riches ; les avis affichés par le préfet de police pour exhorter les citoyens à s’en abstenir augmentaient plutôt les craintes qu’ils ne les calmaient[2].

  1. Ces désordres ne se passaient pas sans protestation de la part des ouvriers. Je lis dans le Représentant du peuple, du 11 avril, une lettre dont j’extrais le passage suivant :

    « Quelques propriétaires préviennent toute demande. Bénis soient-ils ! Mais d’autres refusent. Ont-ils tort ? ont-ils raison ? peuvent-ils faire remise ? Ce n’est pas à nous à examiner ces trois points. Ce qu’il y a de certain, c’est que des drapeaux noirs flottent sur les maisons récalcitrantes. La propriété tremble sur sa base. Je ne suis qu’ouvrier, mais je proteste contre ces actes d’intimidation. Je ne me fais en aucune façon l’avocat des propriétaires mais à chacun son droit ; respect à tous ! Il n’y a que les ennemis de la République qui puissent se réjouir en voyant de semblables faits.

    « Recevez, citoyen, mes salutations fraternelles.

    « Ad. PARROT,
    « Ouvrier typographe. »
  2. Un avis du préfet de police, affiché le 23 mars, disait : « Attendons