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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

concessions apparentes. Le ministre de Russie à la cour de Berlin, M. de Meyendorff, le fortifia dans cette pensée. Il lui montra la Pologne russe, occupée par les troupes de l’Empereur, hors d’état de s’insurger ; Cracovie, révoltée un moment et presque aussitôt réduite[1] ; la France, enfin, hésitante et arrêtée dans son élan par un gouvernement sans vigueur ; il l’engagea à temporiser, à équivoquer, à ruser : c’était la politique naturelle de Frédéric-Guillaume.

L’insurrection de Berlin, dont le premier acte a été la délivrance de Mieroslawski et de ses compagnons, enfermés à la prison d’État, avait arraché au roi la promesse de la réorganisation nationale et de la liberté intérieure du grand-duché de Posen. Pour procéder à la réalisation de cette promesse, une commission composée d’Allemands et de Polonais s’était aussitôt installée dans l’Hôtel de Ville de Posen. Son premier soin fut d’organiser la garde nationale. Des masses considérables de bourgeois et de paysans s’armèrent, et, au nombre de 20,000 environ, ils se concentrèrent sur différents points du territoire.

Le général Willisen, nommé commissaire-royal, fut envoyé en Posnanie pour prévenir les conflits et procurer, par tous les moyens, la réorganisation pacifique du grand-duché. La mission était difficile. Le parti allemand, qui occupait toutes les places, tous les emplois, à l’exclusion des Polonais, et qui avait tout à perdre au triomphe de la nationalité polonaise, lui suscita mille obstacles. Le général des troupes prussiennes, Colomb, cernait les camps des

  1. Le conflit entre le comité polonais et les autorités autrichiennes s’engagea à l’occasion d’une colonne d’émigrés qu’on avait arrêtée à la frontière. M. Kricq, représentant le commissaire aulique, dut céder à la violence et révoquer ses ordres. Mais, le lendemain, les soldats provoquèrent la population et commencèrent le combat ; battus dans les rues par une poignée d’hommes sans armes, réfugiés au château, ils bombardèrent la ville et lancèrent tant de fusées à la congrève, qu’au bout d’une demi-heure il y avait déjà vingt maisons en proie à l’incendie ; il fallut capituler. Le comité se retira et les émigrés furent contraints de quitter la province.