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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Les discours et les écrits du général Lamarque, de MM. Mauguin, de Lamennais, de Montalembert ; les cours de M. Mickiewicz au Collége de France, empêchaient le courant de se ralentir. Enfin, les émigrés polonais du parti démocratique s’étaient en toute occasion mêlés à nos troubles civils ; la plupart étaient même affiliés aux sociétés secrètes et vivaient en relations étroites avec nos plus ardents révolutionnaires.

La révolution de Février vint raviver les espérances communes. Les jeunes gens des écoles applaudirent avec enthousiasme un de leurs professeurs les plus célèbres, lorsqu’il peignit en traits mystiques du haut de la chaire « cette France du Nord, ce Christ des nations, cette Pologne qu’il avait rencontrée debout et vivante au milieu de nos barricades, et dont il avait touché du doigt les plaies saignantes[1]. » Quand, à peu de jours de là, une députation des Polonais émigrés se rendit à l’Hôtel de Ville pour demander au gouvernement provisoire des secours et des armes, elle fut accueillie sur son passage par les démonstrations de la sympathie la plus vive.

Aussi, le désappointement fut-il extrême lorsque M. de Lamartine, chargé de répondre aux Polonais, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, repoussa leur demande et leur déclara, avec quelque sévérité d’accent, qu’il entendait rester fidèle à la politique de son manifeste ; que la France ne permettrait volontairement aucun acte d’agression contre les nations germaniques, et qu’elle se réservait l’appréciation de la cause, des moyens et de l’heure de son intervention dans les affaires de l’Europe.

À cette déclaration, des murmures éclatèrent. L’un des députés s’emporta en paroles inconvenantes, qu’il rétracta aussitôt. Mais, à partir de ce jour, les Polonais travaillèrent activement à dépopulariser M. de Lamartine ; comme ils

  1. Voir le discours d’ouverture du cours de M. Quinet, à la Sorbonne.(Moniteur, 10 mars 1848.)