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HISTOIRE

avait montré au gouvernement provisoire une mobilité d’opinion excessive ; l’amiral Cazy eut le département de la marine ; le lieutenant-colonel Charras devint ministre de la guerre par intérim, en attendant l’arrivée du général Cavaignac, nommé ministre.

M. Ledru-Rollin obtint sans trop de peine que M. Caussidière, encore très-bien vu de la bourgeoisie parisienne qu’il avait tout à la fois rassurée et amusée pendant la crise révolutionnaire, restât à la préfecture de police. Ses collègues consentirent également à placer deux hommes dans lesquels il avait mis toute sa confiance, MM. Carteret et Jules Favre, le premier, en qualité de sous-secrétaire d’État, au ministère de l’intérieur, le second au ministère des affaires étrangères. Mais M. Ledru-Rollin ne put ni enlever la mairie de Paris à M. Marrast, son adversaire déclaré, ni empêcher que M. Pagnerre, qui appartenait au parti de M. Garnier-Pagès, fût nommé secrétaire de la commission exécutive.

Comme on le voit, les éléments hétérogènes que la révolution avait poussés au gouvernement provisoire, et qui avaient neutralisé son action, se retrouvaient au sein de la commission exécutive, et, cette fois, non plus fortuitement, mais avec réflexion et comme par un aveu général d’impuissance. À ce moment, où les partis se mesuraient de l’œil, aucun d’eux ne savait en effet ce qu’il pouvait oser, parce que personne ne se rendait un compte bien net des situations et des forces respectives.

Depuis le 16 avril, un trouble extrême était resté dans les esprits. La position de M. Ledru-Rollin était devenue très-fausse et presque intolérable entre les vaincus et les vainqueurs de cette singulière journée, où il avait tout à la fois protégé l’attaque et préparé la défense de l’Hôtel de Ville. Les vainqueurs, ignorant qu’ils lui devaient en partie leur salut, s’indignaient de voir leurs efforts pour le renverser lui donner, en apparence, une force nouvelle ; les vaincus, pleins de ressentiment, n’osaient s’y abandonner, n’igno-