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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

cles, peut-être, car il s’agit d’une civilisation nouvelle à faire sortir d’un principe tout nouveau. Depuis que les dieux n’interviennent plus dans les affaires humaines, depuis qu’on ne voit plus les législateurs descendre du Sinaï ou remonter vers l’Olympe, depuis que l’esprit humain n’obéit plus à l’instinct, mais veut comprendre les lois qu’il accepte, le progrès des sociétés se complique et s’étend de telle sorte que ceux-là mêmes qui y travaillent avec le succès le plus apparent, ne le saisissent point dans son ensemble et n’en conçoivent souvent qu’une idée vague, obscure et bornée.

J’ai dit plus haut comment l’Assemblée, en se constituant, avait choisi dans le gouvernement provisoire les membres de la commission exécutive. De part et d’autre on se connaissait peu ; on s’observait et l’on demeurait dans l’incertitude sur les rapports qui s’allaient nouer, aussi bien que sur la politique qu’il conviendrait de suivre jusqu’à la promulgation d’une constitution définitive.

Le mot de conciliation avait été souvent prononcé dans les débats concernant la forme et les attributions du pouvoir exécutif, et ce mot exprimait avec exactitude le sentiment le plus général. Les membres des anciennes Chambres monarchiques, qui venaient siéger au côté droit de l’Assemblée républicaine, ne se sentaient pas assez forts pour attaquer ouvertement la Révolution et n’aspiraient encore qu’à composer avec elle. La plupart n’avaient dû leur élection qu’à l’influence du clergé ou s’étaient crus obligés, en se présentant au suffrage universel, à des professions de foi d’une exagération démocratique qui les amoindrissait sensiblement, même à leurs propres yeux. Aussi, dans les premiers temps, leur attitude et leur langage furent-ils d’une modestie excessive. Ces habiles d’autrefois, déconcertés par l’événement, se rallièrent en assez grand nombre autour de M. Odilon Barrot, dont le nom marquait suffisamment le caractère peu défini de l’opposition que l’on croyait pouvoir se permettre ; d’ailleurs, ni M. Thiers, ni M. Molé, n’étant