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HISTOIRE

dans les mœurs cette préparation suffisante, laquelle est aux créations de la science sociale ce qu’un certain état de l’atmosphère est aux créations de la nature physique. Il aurait fallu que, dans ce conflit tumultueux des passions déchaînées, ils entendissent distinctement, pour lui obéir, la voix du peuple qui, selon l’antique et mystérieux axiome, est l’oracle souverain, la voix de Dieu.

Nous touchons ici au point essentiel de notre examen.

Que doit-on entendre par cette voix du peuple ou de Dieu, que la révolution venait de donner pour fondement au droit politique, en instituant le suffrage universel ?

Pas autre chose que l’instinct commun à tous les êtres organisés, depuis le plus infime animal jusqu’aux sociétés les plus parfaites, de retenir ou d’accroître en eux la vie en repoussant ce qui nuit, en s’assimilant ce qui convient à leur nature.

C’est par ce travail organique que les êtres s’individualisent, que les individus forment des races, que les races se conservent et se perfectionnent. Quand ce travail s’alanguit et s’arrête, l’individu ou la race décroît et meurt.

Mais ce qui reste chez les races inférieures à l’état de pur instinct, se combine chez l’homme avec la réflexion et prend un caractère supérieur : l’instinct devient le génie.

Tous les gouvernements que les peuples se sont donnés, ont eu pour mission de représenter cette action commune de la raison combinée avec l’instinct et d’exprimer ainsi le génie national aux différentes phases de son développement historique.

Ils ont été légitimes et forts tant qu’ils ont écouté l’instinct confus et général des masses, tant qu’ils, l’ont défini, particularisé suivant les temps, et prononcé dans les lois. Ils ont été brisés, expulsés par les révolutions, quand, devenant sourds à la voix du peuple, ils ont opposé une volonté personnelle ; isolée et conséquemment usurpatrice au génie national.

Les exemples en sont frappants dans notre propre histoire.