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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

en tête, au chef-lieu de canton, en chantant des chants patriotiques.

Partout l’ordre et le calme régnèrent dans cet immense mouvement moral et matériel d’un peuple tout entier. Pas un accident, pas un désordre grave ne vint troubler une opération jugée matériellement impossible[1] par les habiles. Les craintes si vives qu’avait excitées cette journée reçurent un éclatant démenti. Au sein de la population la plus irritée du pays, à Lyon même, tout se passa avec une tranquillité merveilleuse. La veille même de Pâques, une manifestation, organisée par le club central, avait eu lieu. Dix à douze mille clubistes et ouvriers des chantiers nationaux, la plupart armés, avaient fait le tour de la ville, portant un transparent sur lequel on lisait les noms des quatorze candidats du communisme. Le même jour, le club central avait fait afficher un placard qui dénonçait au peuple les manœuvres frauduleuses du comité préfectoral, et il avait envoyé demander au commissaire du gouvernement le changement de ce comité. Sur le refus du commissaire, avait paru un nouveau placard menaçant les autorités d’une protestation d’une tout autre nature, afin d’apprendre à ce conseil que l’autorité du peuple souverain devait l’emporter sur les iniques et niaises machinations d’une infâme coterie.

Mais, en dépit de toutes ces démonstrations, le club central n’obtint au scrutin que six nominations, dont deux seulement appartenaient au communisme, MM. Greppo et Pelletier ; les huit autres appartenaient à l’opinion républicaine modérée. Exaspéré de cet échec, le club central envoya une députation à M. Martin-Bernard pour protester, en menaçant, contre le résultat de l’élection ; mais les opérations avaient été régulières. Ni à Lyon, ni ailleurs, on ne tint compte de ces protestations de l’esprit de parti. À Rouen et à Limoges seulement, elles prirent un caractère sérieux.

  1. Ce fut l’avis émis par l’Institut ; c’était l’opinion de beaucoup d’hommes politiques.