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HISTOIRE

Louis Bonaparte. Les légitimistes aussi cherchèrent à s’insinuer par cette voie détournée. Enfin, de toutes parts, les hommes et les partis politiques, au lieu de faire effort pour éclairer le peuple, aider ses grands instincts et sa droiture naturelle, ne le considérant point en vue de son propre bien, mais en vue de leurs ambitions, prirent à tâche de fausser son jugement et de troubler sa raison.

Les journaux d’un ordre plus élevé, qui auraient pu contre-balancer l’effet de ces prédications grossières, avaient perdu tout crédit. Le National, considéré par le peuple comme un organe semi-officiel du gouvernement, la Réforme même, dont les principaux rédacteurs étaient au pouvoir, n’inspiraient plus de curiosité. Le Populaire de M. Cabet n’intéressait que les Icariens ; l’Atelier partageait la défaveur dont était frappé le National avec lequel il avait un lien intime. Le Siècle, le Constitutionnel, les Débats, n’ayant d’autre but, dans ces premiers temps, que de ne pas se compromettre par des opinions trop explicites, n’étaient lus que dans les classes riches. La Presse seule, où M. de Girardin redoublait de verve, réussit à fixer l’attention publique, d’abord par l’éclat de son adhésion à la République, et bientôt après par la hardiesse de ses attaques contre le gouvernement qui n’avait pas su ou voulu ménager une ambition irritable. Mais, entre tous les journaux, le seul qui se produisit avec une originalité et un talent tout à fait extraordinaires, ce fut le Représentant du peuple, publié par M. Fauvety et M. Proudhon. M. Proudhon, dont j’ai caractérisé dans la première partie de cet ouvrage la personne et les écrits, se trouvait à Paris au moment où éclata l’insurrection. Mais, comme il n’appartenait à la rédaction d’aucun journal ni à aucune coterie politique et que son tempérament ne le poussait pas au combat à main armée, il demeura à l’écart. On ne le vit ni dans la rue ni à l’Hôtel de Ville. Son unique coopération au mouvement révolutionnaire fut de composer pour la Réforme l’affiche qui déclarait Louis-Philippe déchu. Après