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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

achetait une forêt avec les deniers de l’État[1] ; l’ouvrier Albert devenait millionnaire[2], etc.

  1. La commission nommée par l’Assemblée nationale pour examiner les comptes du gouvernement provisoire, déposait, le 14 avril 1849, un rapport dont voici les conclusions : « Quant à nous, nous déclarons à l’unanimité que, dans les longues et laborieuses recherches auxquelles nous nous sommes livrés avec la plus rigoureuse impartialité, nous n’avons découvert ou rencontré aucun témoignage, aucune preuve qui accusât d’infidélité les membres du gouvernement provisoire et qui nous mît sur la trace de quelque détournement frauduleux des deniers confiés à leur gestion. Cette déclaration n’a pas seulement pour garantie l’honnêteté de notre parole. L’admirable combinaison de notre mécanisme financier suffirait pour rassurer toutes les consciences. Un ministre ne peut soustraire du Trésor public une partie de sa richesse, sans avoir de nombreux complices et sans laisser à l’instant même des preuves éclatantes de sa culpabilité. »
  2. La justification de M. Albert mérite de trouver place ici. On y remarquera comment, en réponse aux insolences de la bourgeoisie, le prolétariat commençait à prendre à son tour un ton de morgue très-singulier. C’est à cette époque que, par peur ou par adulation, on imagina l’aristocratie ouvrière. Un homme de lettres célèbre en donna le premier le signal en s’intitulant ouvrier de la pensée. L’Assemblée nationale, dans ses premières séances, eut à casser l’élection d’un faux ouvrier. C’était, quelque chose d’analogue à ces temps de la démocratie florentine qui précédèrent et suivirent la tyrannie du duc d’Athènes, où, pour ne pas se voir exclus de toutes les charges, de tous les emplois publics en vertu des ordres de justice, les grands abandonnaient leurs titres et leurs noms de famille, prenaient des noms plébéiens et tâchaient, dit Machiavel, de se donner l’air d’appartenir au peuple. (Machiavel, Histoire de Florence, liv. II.)
    « Parmi les bruits plus ou moins malveillants ou ridicules qui ont été épandus sur le Luxembourg, dit le Moniteur du 5 mai 1848, il en est un qui s’attache particulièrement au citoyen Albert. On a dit que le citoyen Albert n’était pas ouvrier ; que c’était un industriel enrichi ; mieux que cela encore, un millionnaire. Rien n’est plus absurde et plus faux. La plus grande gloire que le citoyen Albert, membre du gouvernement provisoire, revendique, c’est d’avoir été, c’est d’être encore un ouvrier prêt à prendre la lime et le marteau. Et pour que personne n’en ignore et ne vienne lui contester à lui, homme du peuple, son origine et son nom, voici ce qu’il veut que l’on sache :
    « Albert (Alexandre-Martin), né à Bury (Oise), en 1815, d’un père cultivateur, a commencé son apprentissage chez un de ses oncles, le citoyen Ribou, mécanicien, rue Basse-des-Ursins, no 21. Depuis, il a parcouru successivement plusieurs ateliers, parmi lesquels il faut citer celui du citoyen Pecqueur, mécanicien près le marché Popincourt, et